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CHARLOTS

"Mon cher Ngudu, j'espère que tu es bien assis, parce que j'ai de mauvaises nouvelles à t'apprendre. Oh, je sais bien, cher Ngudu que le Festival de Cannes est loin de tes préoccupations. Pourtant il résume le monde à lui tout seul, avec ses stars inatteignables, ses parias qui mandient des invitations, les exclus qui picolent sur les trottoirs, les jeunes lascars qui vont au Macdo, les retraités qui promènent leur chien...
Cannes c'est aussi le meilleur du cinéma; dans Histoires de Festival, Gilles Jacob fait des clins d'oeil à Charlie Chaplin, Kurosawa, Truffaut, Hitchcock, Fellini, Bardot, Deneuve, Scorsese, ... On surprend les regards coquins, les sourires pris en défaut, on se remémore les bons moments où nous n'y étions pas.
Juste à côté, le Marché du film. Gros barnum tout en couleurs. A deux pas de la montée des marches de ces seigneurs du 7ème Art, les charlatans, les vendeurs de tapis, les bohèmes sont prêts à fourguer leur camelote. Ils viennent souvent de Los Angeles, des faubourgs ou des banlieues. Artist View Entertainment, Spectrum Films International, Fries Film Group, New Concorde International, MDP Worldwide, Vortex Pictures, sont parmi les grands noms qui viennent du bout du monde pour impressionner le chalant avec leur catalogue. D'ailleurs leur produits sont inoubliables...
J'ai appris ainsi qu'ils allaient faire une suite à American Psycho (2) et à Cube (Hypercube). Totally Blonde sera suivi d'un inestimable Totally Brunette. Un autre vend en package Paranoïd, Severed et Vicious. Chez l'un on trouve un Alien erotica qui n'a rien à voir avec un autre, Alien rampage. Les werewolf sont aussi très déclinés. Car le cocktail préféré de ces vendeurs de rêves à bas prix mal foutus c'est bien l'horreur, l'action et l'érotisme. Les titres sont aussi recherchés que le graphisme affreux des jaquettes : Penis envy (une comédie noire), Sillo Killer, Biker Zombies ou encore le drame romantique An intimate friendship. Ou comment avoir l'air respectable en produisant de la m....!
Mais ce n'est pas le pire, mon cher Ngudu. Toi qui ne connaît certainement pas Julia Roberts, sache que son frère, Eric, est la vedette de Con Games. De même Randy Quaid est la star de Black Cadillac. Qui peut acheter de tels trésors audiovisuels?! Matt Le Blanc apparaît travesti dans All the queen's men, parfait produit marketing pour cibler les filles, les hétéros et les gays! Bill Pullman, star de Independance Day et The Lost Highway se perd dans Ignition. Et Alicia Silverstone (Global Heresy) est au même niveau que certains inconnus pourtant en haut de l'affiche : Wendy Crewson, Joe Cobden (Suddenly Naked), Red Green (Duck Tape).
Le marché c'est une foire qui s'alimente de grands moments de cinéma : Around the world in 80 lays, Asian Task Force, I Zombie, Tequila Body Shots, Circuit II The Final Punch (qui connaît le premier épisode?), Fear.com (ça fait mode), ou le monumental Trigon, The legend of Pelgidium (le slogan proclame un combat incroyable entre le bien et le mal!)
Mon cher Ngudu, dans la salle de presse, au dessus de ces catacombes du cinéma, je croise Gilles Jacob en visite, Faye Dunaway qui vient faire réparer son ordinateur. Des trucs incroyables nous arrivent! En bas, au café, Robert Damiano, dit Bob aux cheveux orange, fête son 35ème Cannes et se la joue diva anonyme. Chacun essaie d'avoir accès à son quart d'heure de célébrité. D'autres habitent Hollywood et croient faire du cinoche. Illusions."

 

Hollywood ça fiche mal

Quand on sent qu’on tient un bon poisson au bout de la ligne, il est de bon ton de le punaiser en long et en large sur la promenade des curieux. L’essentiel de l’espace d’affichage cannois est en général largement trusté par les studios hollywoodiens, cette année ne déroge pas à la règle. Visuels plus ou moins frappants, on fera déjà abstraction des banderoles des boîtes de production et de distribution indépendantes qui ornent les balcons en face de la salle d’où je vous écris et qui pourraient se confondre avec des serviettes de bains qu’on aurait négligemment étendues à sa fenêtre.
Les machines redoutables et taillées sur mesure pour frapper fort et vite vont commencer à débouler dans vos salles dés le mois de juin. Elles sont déjà toutes en représentations, visuels ultra simplistes, couleurs et typo flashy, plus le poster est grand, plus le succès est annoncé . Car ce n’est pas sur les panneaux de la croisette que vous ferez de véritables découvertes cinématographiques bien évidemment, c’est tout au plus un rappel. Le Carlton s’est littéralement laissé tagger par les grands studios, ça ne semble pas déranger outre mesure notre président Lynch adoré, qui rentre paisiblement dans ses appartements après une dure journée de réflexions cinématographiques, ou a-t-il simplement payé une glace au petit garçon qu’il tient par la main ? L’homme rayonne, nous on n’attend qu’une chose, qu’il retrouve le chemin des plateaux, vite !
Ils décrochent donc la palme du placardage le plus inévitable de cette édition du festival: MIB 2, affiches en tout genre, Smith et Jones trônant dans leurs fauteuils en forme d’œuf, un gun futuriste volumineux à la main. Les costards sombres sont déclinés en silhouettes découpées qu’on retrouve postées un peu partout. Il y a l’inévitable James Bond qui a réservé ponton, affiches et parking pour ranger la nouvelle caisse gris métallisé de Die another day. Toujours même visuels sur les posters, mêmes polices identifiables au premier coup d’œil. Une vénérable institution. On constate que Vin Diesel a le vent en poupe, en tout cas les distributeurs semblent miser lourd sur Triple X, Minority report la joue sobre sur le visuel Cruise, K 19, The widowmaker mise beaucoup plus sur sa star Harrison Ford. Tout ceci n’est pas d’une très grande créativité.
Spiderman la joue plus graphique, mais sa présence reste modeste, en tout cas ne reflète pas son triomphe aux USA. Scoobidoo s’en paye une bonne longueur et a misé également sur le petit format carte postale distribuées un peu partout. Signs enfin pourrait gagner la palme de la plus belle cohésion visuel / titrage avec son look extraterrestre à consonances indiennes dans l’utilisation des couleurs, normal puisqu’il s’agit du nouveau film de M. Night Shyamalan.
La palme du mauvais goût est française et va à l’annonce du prochain Francis Veber, fond bleu vif, casting TF1 (Depardieu + Réno) et un titre lourd de promesses : Ruby & Quentin (1 000 000 d’entrées Paris assurés).
Valeurs sures du tiroir caisse, nous n’admirerons pas de véritables œuvres picturales sur la croisette. Sans être devins, nous pouvons d’ors et déjà prévoir un été très formaté, rempli de divertissements faciles à la seule vision de ces promos déjà vues 100 fois. Dernières journées cannoises, derniers bols d’air pur cinématographique avant la pollution commerciale des majors en mode mineur.

  (C)Ecran Noir 1996-2002