Production: New Line Cinema
Réalisation: Alexander Payne
Scénario: Alexander Payne, Jim Taylor
d'après le roman de Louis Begley
Montage: Kevin Tent
Photo: James Glennon
Musique: Rolfe Kent
Durée: 125 mn
Jack Nicholson : Warren Schmidt
Kathy Bates : Roberta Hetzel
Hope Davis : Jeannie
Dermot Mulroney : Randall Hetzell
Festivalcannes.org
Jack Nicholson
Interview d'Alexander Payne
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About Schmidt (Monsieur Schmidt)

USA / 2002 / Sortie en France le 5 mars 2003
Sélection officielle / Présenté en compétion le 22 mai 2002

Warren Schmidt prend sa retraite, quittant une vie professionnelle ayant atteint le sommet : Vice Président d'une compagnie d'assurances, à Omaha, Nebraska. Il a la vie devant lui : une femme aux petits soins dont il ne supporte plus les manies, une fille adorable qui va se marier avec un crétin, peu d'amis et un tout nouveau car caravane dernier cri top luxe.
Mais voilà sa femme meurt en passant l'aspirateur. Le voilà démuni, désemparé. Laissé à lui-même. Enragé que sa fille l'abandonne après l'enterrement pour préparer ce stupide mariage. Schmidt est face à lui-même. Que va-t'il faire de sa vie?
Il se met donc à voyager. Et surtout il va trouver son réconfort et le sens de sa vie dans la complicité épistolaire avec un orphelin tanzanien de 6 ans, Ngudu.
"Jim Taylor (le scénariste, ndlr) et moi", déclare Alexander Payne dont c'est la première sélection à Cannes, "avons un sens profond de l'aspect pathétique de nos propres existences, et nous efforçons d'en tirer l'esprit de nos comédies."
Adapté d'un best-seller, About Schmidt dépeint satiriquement une personne ordinaire, égoïste, mesquine, un peu comme dans leur précédent film, L'arriviste (Election)où Reese Whiterspoon rendait la vie infernale au proviseur Matthew Broderick; ils avaient alors obtenu une nomination aux Oscars (meilleur scénario).Face au matérialisme et à l'ambition, ils aiment montrer la quête du bonheur et de l'amour. Ils apprcient les descriptions détaillées de personnages complexes.
Le film a coûté 30 millions de $ (Nicholson devant en coûter près de la moitié) et sortira en novembre aux USA. Il est intéressant de noter que Jack Nicholson n'avait pas pu être à Cannes l'an dernier (The Pledge) parce qu'il tournait Schmidt au Nebraska, été natal du réalisateur, coin paumé des grandes plaines. A ses côtés, on retrouvera la grande Kathy Bates (qui avait ouvert le Festival en 98 avec Primary Colors), Hope Davis (Next Stop, Wonderland) et Dermot Mulroney (beaucoup plus beau dans Le Mariage de mon meilleur ami).
Quelques changements sont survenus entre le livre et le film : le prénom du personnage principal, la région, l'absence du sémitisme. On notera que l'organisation caritative à lquelle adhère Schmidt, Childreach, existe vraiment. Le vrai Ngudu a reçu une réelle donation.
Nicholson a déjà obtenu le Prix d'interprétation à cannes, en 73 pour La dernière corvée d'Hal Ashby.

Post-Cannes
Passé relativement inaperçu à Cannes (excepté dans nos colonnes), le film a commencé à faire parler de lui lors de sa sortie américaine. 60 millions de $ plus tard, deux Golden Globes (acteur et scénario) en poche, la comédie amère semble prendre sa revanche et devenir le plus gros succès d'Alexander Payne. Nicholson et Bates, tous deux déjà oscarisés, récoltent une nouvelle nomination pour les Oscars 2003. Les Critiques de Los Angeles en ont même fait leur film de l'année, en plus de prix décernés au scénario et à Nicholson.

 

JACK-UZZI

"- Cher Ngudu, j'espère que tu es bien assis, car j'ai de mauvaises nouvelles à t'apprendre."

Parce que la sélection cannoise 2002 étonne avec ses comédies subversives et cyniques (de Suleiman à Michael Moore), le film du talentueux et grinçant Alexander Paune est certainement l'oeuvre la plus symbolique et la plus accessible de ce crû. Il existe d'ailleurs d'étranges similitudes avec Punch Drunk Love où l'on peut comparer des plans analogues comme le supermarché, les passerelles d'aéroport et même la première séquence des deux films : un bureau vide, et juste un homme, dans un cadrage singulier.
L'Amérique se résume ainsi à un appareil où le quotidien s'enlaidit d'un néant et d'une solitude permaments, compensés par une surabondance consumériste inutile. L'homo americanus n'est qu'un rouage de ce mécanisme économico-politique. La vie apparaît comme un assemblage préfabriqué où l'homme se doit d'être productif et reproductif. La retraite ne devient alors qu'un pis aller pour attendre la mort. Car Schmidt a beau être le spécialiste de la statistique et de l'assurance, son existence n'est ni un chiffre ni une garantie ad vitam. Ce pamphlet satiriste s'inscrit dans un message délirant sur l'existentialisme. Les gens s'incarnent en esclaves soumis à un système , où 40 ans de boulot finissent en archives dans les détritus, où 40 ans d'expérience professionnelle se recycle en vanité et prétention d'un jeune cadre con et dynamique; où 40 ans de couple se résument à des petites manies qui agacent par leur cumul et tyranisent notre inconscient. Vidé de sa substance, désintéressé de lui-même et a fortiori des autres, ce pathétique papy est conditionné pour avoir bien servi la norme; ça l'a occupé mais il n' a rien fait de sa vie.
Tout son environnement est glauque, kitsch, inculte et fermé. La Région, la ville, le gratte ciel, la déco des maisons, jusqu'aux gens, hypocrites ou bêtes, selon les cas. Payne établit une critique pernicieuse et mordante; le film sort de cette dissonnance par rapport au discours ambiant, en abordant des thèmes plus humains et par conséquent plus universels. Ce n'est pas un hasard si Leigh, Anderson, Loach, Guédiguian et Kaurismaki s'attachent, comme Payne, à des gens normaux et même ceux d'en bas. Cette ouverture vers les classes laborieuses n'est pas un hasard. La prise de conscience d'une société opressante, despotique, d'une logique qui va à l'encontre de nos désirs cachés, entraîne une dégradation ou une élévation. Ce soupe au lait de Schmidt va ainsi contempler les étoiles, apprendre à se connaître (lucide il se voit en loque) et s'ouvrir aux autres, tout en prenant une distance.
Nicholson reprend ainsi son rôle de bougon verbalement brutal qui se découvre un coeur gros comme ça. Le spectacle vaut le détour. Il habite chaque scène et transforme un plan en numéro d'acrobatie d'un clown grimaçant mieux que les autres: même son pied en arrière plan sait jouer! Passant de l'euphorie à la neurasthénie, il réalise son dépôt de bilan après 66 années d'exercice. Une introspection façon "Je me souviens..." qui conduit à sa faillite : il doit accepter malgré lui le mariage de sa fille. Père irresponsable, il comprend l'impossibilité de réparer le passé.
Tout cela serait cafardeux si le cinéaste n'avait pas eu l'intelligence de balancer une surdose de scènes cocasses (celle où la géniale Kathy Bates rentre nue dans le jaccuzzi promet de devnir mémorable), de répliques hilarantes ("Je suis juste un peu raide. Le cou je veux dire."), de commentaires désopilants. Car tout réside dans le style. Le film est jouissife parce qu'il va loin dans l'horreur assumée d'une civilisation décadente. Aucun détail ne nous est épargné : de la retraite dans un resto de banlieue au voyage de noce à Orlando. Ce portrait au vitriol de l'Amérique, à la fois piquant et acerbe, dissonnant et affectueux, s'organise autour d'une odyssée qui rappelle A straight Story, l'humour en plus. Parfois on est K.O. de rire, ou complètement ahuri, à l'instar de Schmidt, devant ces moments de vies affligeants. Cette drolerie corrosive où la vie s'aspire comme de la poussière, où certains jours tout rate, ne serait peut -être qu'un bon moment sans Ngudu.
Cet homme si seul au monde trouve son meilleur confident, son plus proche complice, en la personne d'un africain de 6 ans, dont il devient le parrain au détour d'un ennui profond devant sa télé. Il envoie un chèque pour s'acheter une bonne conscience et des lettres improbables où il raconte ses journées. Cette aliénation extravertie provoque la joie et l'émotion. Un équilibre parfait pour un grand film populaire.

  (C)Ecran Noir 1996-2002