Production: Diaphana, Agat Films, France 3 Cinéma
Réalisation: Robert Guédiguian
Scénario: Jean-Louis Milesi, R.Guédiguian
Montage: Bernard Sasia
Photo: Rénato Berta
Musique: France Gall, Serge Lama...
Durée: 124 mn
Ariane Ascaride : Marie-Jo
Jean-Pierre Darroussin : Daniel
Gérard Meylan : Marco
Julie-Marie Parmentier : Julie
Festivalcannes.org
Marius et Jeannette (Cannes 97)
JP Darroussin sur EN
 
 

Marie-Jo et ses deux amours

France / 2002 / Sortie en salle n.c.
Sélection Officielle / Présenté le : 16.05.02

Marie-Jo n'a rien demandé; elle ne l'imaginait même pas. Mais elle aime son mari Daniel, pour toujours et à jamais. Et elle aime aussi Marco.
Sans l'un ou l'autre, elle n'est pas elle. Avec les deux, elle souffre, intérieurement.
Pourtant, la révélation de ce nouvel amour ne se fera pas sans fracas, perturbant sa fille Julie qui place tout dans son amour pour Sylvain. Même Daniel a cru qu'il pourrait la partager. Même Marco a cru qu'elle ferait un choix.
Mais Marie-Jo est déchirée entre ses deux hommes. Elle ne sait plus quoi faire.

Robert Guédiguian (Interview dans Ecran Noir) est un cinéaste atypique. Une sorte d'écho mélodramatique, marseillais et communiste à un woody allen comique, new yorkais et nombriliste.
Cet indépendant a créé sa société de production (Agat Films) et n'a connu le succès public, et une réelle reconnaissance internationale, que depuis Marius et Jeannette, qui fit l'ouverture lumineuse d'Un Certain Regard en 97. Sa femme, l'actrice Ariane Ascaride avait été césarisée pour son personnage de mère courage contemporaine.
Depuis, il tourne un film par an, avec les mêmes. Ascaride, évidemment, qu'il a même mis en scène l'an dernier au Théâtre National de Chaillot. Mais aussi Meylan, Darroussin, Boudet. Un clan de loyaux comédiens que leur célébrité n'a pas séparé.
Deux seules choses ont changé : l'intervention d'un chef op réputé et la conquête d'un nouveau genre : le film romantique. Berta a travaillé pour Gitaï, Chabrol, Oliveira, Resnais...
Le film devrait sortit avec l'été. En revanche, on ne peut que déplorer le mauvais exemple donner par le personnage d'Ascaride, qui conduit ses ambulances en téléphonant avec son cellulaire. Le kit main-libre est fortement conseillé!

 

REQUIEM POUR UN COÏT

"- Laissez-moi respirer!"

Cette histoire à la Jules et Jim s'engouffre dans une noyade infinie vers une sérennité recherchée. Dans le monde de Guéduiguian, il n'y a pas de violence urbaine, il existe juste la violence de la souffrance, des sentiments, de l'amour. Dans le Marseille de Guédiguian, il y a cette mer si bleue, si belle, et les gens, si bons, si partageurs. Jamais cela ne manque de crédibilité. Face aux désillusions de la vie, aux égoïsmes de chacun, à ce non sens économique global, Guédiguian propose une histoire d'A qui finira mal, c'est fatal.
Formellement, il s'agit de son film le plus audacieux, très proche d'un cinéma à la Chéreau. Il se risque à sublimer la photo, lui habituellement si "naturaliste" et tente un habillage musical varié et contrasté. On retrouve bien évidemment son univers : l'utopie de la collectivité, généreuse et multiraciale, les rapports inter-générationnels ou encore le poids du travail. Il n'y a pas de cadres à cols blancs chez Guédiguian.
Mais avec sa Marie-Jo, il cherche à esthétiser. Et le sujet s'y prête. Car, au delà de l'histoire bi-sexuelle ou bi-maritale, bref schizo-charnelle, Guédiguian traite d'une obsession fondamentale, sur laquelle repose une grande part de notre vie : vieillir. Pas seulement le corps, qu'il se complait à dénuder, à embellir malgré les bourrelets et les rides. Il se penche sur le moral de ces quadras face à cette peau qui se frippe, ces tentations irrésistibles, ces souffles au coeur d'adolescent qui les poussent au crime. Le cinéaste n'oublie pas sa petite folie ordinaire en maquillant Darroussin, ou en filmant la gym de Meylan. Alors comment rester jeune dans sa tête et dans son corps? Profiter de la "dolce vita" : de la danse, du vin, du cul, et avoir un gros coeur. Evidemment, on danse encore pour des bêtises comme des enfants, répète le refrain de France Gall plusieurs fois. Comme pour refléter l'aspect morbide de ces vies qui ne fabriquent que des souvenirs pour, un jour, attendre que "le rideau de la nuit tombe".
Le bonheur n'est jamais simple; quand ce n'est pas la couleur de la peau ou l'argent, la jalousie ou la possessivité prennent le relais. Chacun est confronté à ses illusions, ses choix, ses rêves. Jusqu'à l'ado agaçante et enlaidie par son absolu intégriste. La vérité et les principes ne résistent pas à la réalité de la vie. Le film tire un peu en longueur sur la fin, se perdant dans les regards sombres de la merveilleuse Ariane Ascaride. Mais grâce à un final très cinématographique, muet, musical et visuel, et très dramatique, Guédiguian nous emporte dans les méandres d'une noirceur à chaque film plus béante.

  (C)Ecran Noir 1996-2002