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CANNES BEGINNING
Lundi soir, j'imaginais tout Paris en train de laver, repasser, plier, valiser dans le but de fuir vers les palmiers.
Scène surréaliste dans une nuit oragée, où les lucarnes allumées exposaient le spectacle de journalistes, professionnels, cinéphiles occupés à des besognes ménagères. Même si certains ont exploité des servant(e)s pour le faire. Songez au choix crucial de la robe ou du costard idéal pour aller voir Irréversible ou All or Nothing.
Après, tout est question d'attitude. Il y a ceux qui préfèrent plonger directement dans le speed mondain, l'ivresse cellulaire, l'hystérie des plannings. Et y en a d'autres qui s'adaptent doucement, testant de l'oretil droit la température de l'année, pour s'immerger peu à peu. Ca vaut peut être mieux. Tout n'est pas encore prêt.
Les services municipaux, France Telecom, les G.O. du festival s'affairent à dépasser les 35 heures. Tout va déjà si vite : le TGV qui file jusqu'à Marseille ne prend son temps - méridional - qu'en traversant la Provence; l'appart' si proche de tout, l'accred' si rose, si bleue.
Les Américains aiment exhiber leur badge comme si l'étiquette prévalait sur l'individu. Les casiers sont déjà remplis. Au menu : une salade californienne sauce Woody Allen, une boullabaisse romantique à la Guédiguian, une bombe fouettée par Michael Moore, et un petit vin d'Israël dont l'âge laisse pantois. En apéro, le Chef Gilles Jacob nous a servi Histoires de Festival, docu-montage ludique où chaque extrait révèle une saveur différente.
On se met à espérer d'un Grand Cannes. Lynch est président, après tout. On se désespère en croisant des gamines qui ne doivent pas savoir qui il est. Gavées au Macdo, périlleusement déséquilibrée par leur surpoids sur leur rollers, elles ne s'intéressent qu'au groupe L5 par M6. Les autochtones - qui apprécient peu l'invasion des étrangers (30% ont voté Le Pen, soit 10 000 électeurs!) - se plaignent déjà malgré le flot d'argent que les festivaliers déversent.
Un monsieur appelle la nouvelle Renault (sponsor officiel) la Versatile. Au lieu de Vel Satis. Bien la peine de dépenser autant en Marketing. Cannes a relifté logo, signalisation, et même la plage, bardée de projecteurs "hollywoodiens" pour éclairer le ciel. Tout ce glamour, cet argent, ces stars ne servent qu'à une chose : pendant 10 jours, des auteurs comme Sokurov, Anderson, ou Assayas profitent d'une pub immense et bienvenue en ces temps d'attaque des clônes (je veux bien entendu parler des productions estivals hollywoodiennes).
It's Play Time!
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Intermittents du rire
On parle souvent de mondialisation avec une certaine part de méfiance quant à l’uniformisation identitaire de chacun. Pourtant, si les projections de presse cannoises ne présentent pas de différences flagrantes avec leurs équivalents sur les Champs de Paris, au-delà des mêmes files d’attente de journalistes impatients, le mix des nationalités d’accrédités peut provoquer quelques surprises. Installé entre une journaliste musculeuse allemande et un confrère italien maniéré, la découverte du jour sera que si le rire ne connaît pas de frontières, il trouve certaines subtilités d’une culture à l’autre. Chacun réagit ainsi avec plus ou moins d’intensité sur le même moment burlesque, voire parfois stupéfie son voisin en s’esclaffant sans qu’un véritable gag ne semble pourtant avoir été présent à l’écran.
Woody Allen était le chef d’orchestre des réjouissances pour ce début des festivités. Le public était conciliant car possédant la fraîcheur des premiers jours. Le new yorkais lui se contente de faire le gugusse au tarif syndical de base, nous livrant dans son dernier film une caricature de lui-même assez paresseuse et quelque peu répétitive au final. Comme le dit Woody, le cœur est impérissable contrairement au foie et à la rate, on ne lui en tiendra donc pas trop rigueur pour lui conserver toute l’estime qui lui revient de droit. Sa comédie reste une belle mise en bouche pour les plats de résistance à venir et nous évite l’eau pétillante dés le premier jour.
On notera enfin que si l’humour ne s’accorde que par intermittence chez les journalistes, il adoptent tous la même attitude incrédule et béate devant leur écran lorsque tous les ordinateurs de la salle de presse plantent de concert.
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