"Be" Lent
Le Festival s'achève. Un rythme de 2 à 3 films par jour. Et des tendances, certaines, dans la Compétition Officielle.
La guerre (intime ou sanglante), la Nature (source de reconquête de soi) et donc la haine des villes, les relations familiales, l'amitié charnelle des femmes (La sexualité a relativement disparu, elle est essentiellement féminine), la solitude urbaine sont autant de thèmes abordés, répétés, faisant des liens invisibles entre les films; seuls nous avons pu voir ces fils qui se tissent entre les créateurs de partout et d'ailleurs, puisque peu de gens verront cette sélection au complet.
C'est évidemment la mort et surtout le deuil qui auront hanté le Palais. La mort d'une relation ou d'un corps, d'une existence ou d'une époque, a envahit les esprits. Et le deuil avec; comment se réconcilier avec la vie? comment gérer le deuil? Parfois on ne peut pas, on n'oublie pas.
Cela a donc donné un festival peu gai. D'ailleurs ça a du se lire à travers mes chroniques. Le 54ème Festival était auteuriste, rigoriste, austère, et Shrek a bien fait de nous soulager un peu de ce poids opressant. D'autant que les films étaient souvent lents, à défaut d'être moins longs que les années précédentes. Leur inaction et leur cérébralité en ont fait une édition intellectuelle, où les fins devaient être interprétées, et les messages débattus. Les stars étaient absentes (la menace de la grève d'acteur en est en grande partie responsable) et les soirées peu désirables.
Ce n'était pas une année à chefs d'oeuvre (l'organisation avait prévénu). On ne se battra pas pour le Palmarès. Quelques favoris se dessinent, sans qu'on puisse en pronostiquer l'ordre. Mais peu de films auront les faveur du public (Moretti, Dupeyron si il est bien marketé, Shrek évidememnt, No Man's Land). Peu de films trouveront leur place dans les Top 10 de fin d'année, sauf si 2001 s'avère globalement décevante comme le Festival nous l'aura montré. Les vétérans ont eu du mal à se renouveller. Et la relève a trop les tics de ses références. Il y a un manque d'imaginaire (sauf chez Lynch évidemment).
On se surprend à noter la faiblesse du cinéma artistique, trop caricatural souvent, trop répétitif par rapport à leurs oeuvres précédentes. Un cinéma abondant mais décevant. Par conséquent, cela renforce la vitalité du cinéma européen, très contrasté.
La chambre du fils favorite
Moretti est donc le favori pour la récompense suprême. C'est le chouchou de la critique, du public, l'anti-Berlusconi (donc le chouchou des diplomatiques), et sans doute son oeuvre la plus fluide, la plus touchante, la plus subtile. Ce serait cependant une Palme pour l'Italie, pour un cinéaste habitué de la Croisette, comme on a récompensé Von Trier ou Angelopoulos. Ce serait une Palme du coeur, mais une Palme discrète, modeste, sans charisme.
D'autres se détachent mais ne font pas l'unanimité : Haneke, Oliveira, Lynch, Coen, Dupeyron et Tanovic. On peut rajouter Imamura qui a ses fans inconditionnels (mais dont ce serait la troisième Palme ce qui déclencherait un scandale).
Haneke c'est la porte ouverte aux sifflets et aux hourras, un Pialat bis. Oliveira, dont c'est le film le plus léger, serait une sorte d'hommage au Maître. Lynch et Coen, malgré leur supériorité artistique, ne seraient qu'une confirmation de leur première Palme. Dupeyron et Tanovic gagneraient et le Festival jouerait alors l'audace, la nouveauté, le risque. On imagine assez bien une Palme ex-aequo avec deux films radicalement différents.
Il ne faut pas oublier que des films comme Roberto Succo peuvent plaire à certains membres du jury. ce jury devra faire des compromis. On voit mal l'unanimité, excepté pour Moretti. L'ironie du sort quand on sait que Deneuve avait du se battre pour que son Journal Intime soit primé au Festival en 93.
Le palmarès Ecran Noir
Cela na pas valeur de pronostique. Cette année, les jeux sont trop ouverts pour parier sur un Palmarès par anticipation. Voici donc notre Palmarès idéal; volontairement aucun film n'est primé plus d'une fois.
- Palme d'Or : La Chambre des Officiers (France)
- Grand Prix : La Pianiste (Autriche), Lq chambre du fils (Italie)
- Prix du jury ex aequo : Shrek (USA), Et là bas quelle heure est-il? (Taiwan)
- Mise en scène : David Lynch, Mulholland Drive (USA)
- Interprétation masculine : Michel Piccoli, Je rentre à la maison (Portugal)
- Interprétation féminine : Shu Qi, Millenium Mambo (Taiwan)
- Scénario : No Man's Land (Bosnie)
- Vincy