Bunker Story
C’est l’événement du printemps. On le saisit la saison des bourgeons est bénéfique pour les gars boutonneux. Le Festival de Cannes se fait voler la vedette par une émission de télévision. Horreur. Avec quatre murs contreplaqués, des meubles IKEA et une dizaine d’inconnus sous payés, M6 fait mieux que les centaines de journalistes français, les stars, le soleil et les palmiers. Le dépaysement n’est plus ce qu’il était.
Je rigole, mais je ne devrais pas. D’abord, je n’ai pas la télé. Ca commence mal. Je me sens exclu moi-même de la partie. Tandis qu’on nous répète que finalement, nous avons le libre choix de ne pas regarder, tous les médias, dont les plus intellos, en parlent et nous obligent à nous y intéresser. Hypocrisie évidente. D’autant que Libé comme Le Monde auront beau jeu d’inviter sociologues, politiciens, psychologues et autres « savants » de notre décadence , ce vernis de connaissance cache leur crasse besoin de gagner eux aussi du fric, en vendant plus, et en s’abaissant à la ligne éditoriale du Parisien (qui lui au moins assume).
Libé nous a déjà fait au moins deux ou trois unes là dessus, changeant d’avis comme d’éditorialiste, implorant l ‘éthique et la dignité humaine. TF1 essaie de nous faire pleurer pour ses parts de marchés perdues ; l’hôpital qui se fout de la charité, quand vous voyez le nombre d’émissions démagos, de reality shows et bientôt l’adaptation frenchy de Survivor, sur la première chaîne nationale. On va plus pleurer en voyant le Berlusconi élu demain en Italie. Lui n'aura aucun scrupule a mettre des caméras chez les gens, en faire des programmes et par la même occasion les surveiller...
OrgasM6
On devrait applaudir plutôt M6 qui fait coup multiple : pour la première fois elle investit dans une fiction qui marche auprès du public. Ca ravira son actionnaire Suez qui a plutôt eu des contrariétés depuis le début de l’année. C’est de bon ton de critiquer la télé ; C’est mon choix produite par Delarue avait eu le droit au « shocking » des élus rappelant que France 3 faisait du service public. S’intéresser aux gens, et à leurs manies, c’est donc un problème ? Allez vois le Jerry Springer Show aux USA : ça c’est de l’atteinte à la dignité humaine : méprisant, humiliant, les invités, qui se font insultés à coups de beeps (pour chaque fuck !)...
Aux Etats Unis justement, la guerre aurait été différente entre les médias. Les PDG là bas ne perdent pas leur sang froid. Il se battent avec les mêmes armes que leurs concurrents. Pour un concurrent lancé contre son émission phare Comment gagner un million ?, ABC réplique en faisant une émission spéciale avec des célébrités.
C’est dans le contenu qu’il y a de la surenchère. Là bas, Exclusif ! en fait Entertainment Tonight) aurait fait 3 « spéciales » sur Loft Story pour doper son audience (d’autant que le producteur est le même). Là bas Coca peut attaquer frontalement Pepsi/ Là bas donc DreamWorks peut ridiculiser Disney au travers d’un dessin animé comme Shrek.
La France joue petit. Non, va manger tes petits Lu Emmanuel...
Casse toi
Donc Loft Story, mauvais reflet de notre juste médiocrité. On y vire évidemment l’arabe dès le premier tour. Pays de racistes. On vire bien Roshdy Zem du projet d’une grosse production pour des raisons xénophobes. Scandaleux.
Loft Story stimule la création et la consommation de sites webs. On est tous des mateurs ! Ce n’est pas le problème. Ce n’est pas nouveau. Il y en a qui veulent leur quart d’heure de gloire wharolien, d’autres qui adorent surfer sur ces sites où les gens exhibent leur quotidien, leur vie, leurs gestes... Ca a commencé avec les sites populaires de cul. Certains en ont fait un concept marchand et sponsorisé...
Ce programme dérivé de Big Brother (Orwell nous avait prévenu) détrône le prestigieux Festival de Cannes. Il ne suffit pas qu’un Ruiz maquille Casta en actrice, de faire gagner des DVD de blockbusters hollywoodiens aux auditeurs d’Europe 2 (on leur a dit que Mission Impossible 2 n’avait pas été présenté au Festival ?), ou encore de remplir les ondes en nous vidant les neurones avec des actus « people » (Casta serait enceinte) et en affirmant qu’on couvre Cannes différemment... Loft Story n’est pas plus médiocre que Europe 2. Ce jour là donc, la chaîne préférait parler de la Marianne corse que de s’intéresser au film de Makhmalbaf et du sort des femmes afghanes. Affligeant. C’est assez proche du mot Affliction en anglais...
Guerre, Sexe et Prison
J’ai hésité avant d’écrire cette chronique sur LSD (Loft Story Délirium). J’avais deux sujets au départ : les guerres (Bosnie, Vietnam, Algérie, Afghanistan) et l’homoseuxalité (chez Tolondz, chez Corsini...). Bref du pas comique.
Mais voilà j’ai lu le journal de gauche qui se croit tendance en recyclant les aspirations des beaufs. Je ne vais quand même pas plaindre TF1 parce que le Bigdil va perdre des parts d’audimat face à Loft Story !!! Dans cette tranche horaire, même Nulle Part Ailleurs est devenu people et inculte, donc évitable. Zappons, bon sang !
Cela fait 4 ans que les webcams nous ont habituer à cette overdose de voyeurisme. Hier, Ethan Hawke a présenté son premier film, Chelsea Hotel. Un Loft Story dans un hôtel new yorkais en quelques sorte... Avec une caméra dans chaque chambre, dans les couloirs. Il a fait lui même le montage. La création s’abreuve de plus en plus de compilations et d’extraits.
Imaginez Cannes en giga Loft Story. Un lieu unique, presqu’un huis_clos, une faune enfermée pendant 10 jours, à ne parler de riend ‘autre que de cinéma et de fric (le reste personne ne s’en soucie). Des tonnes de caméras, de zooms, de magnétophones braqués sur chacun, observant faits et gestes... TV Festival qui diffuse tout. Les sites webs qui n’ont pas accès aux scoops, compensent avec tout le côté off et underground. Cannes est Loft Story.
Cannes Story 2002
Une idée pour l’an prochain, pour que le Festival ne perde pas de parts de marché : France 2 en diffuseur, une villa, un étage d’un palace, ou un coin réservé du bunker, une dizaines de personnes et que des films primés à Cannes à voir. Le plus mauvais au Trivial Pursuit du jeudi sera éliminé et humilié. Shampoing L’Oréal dans les douches. Pas le droit de dire de mal de Canal et de Marc Tessier. Le casting : un critique de Libé (quota gay), un marchand de tapis californien (euh un distributeur, pardon), une attachée de presse, ...
Le tout financé par la Cinéfondation.
Bon. Vous pouvez zapper ou cliquer sur Loanna. Sein gauche version M6 censurée. Sein droit version sites de fans fantasmant.
A vos kleenex. Pour ceux que ça fait bander, et pour d’autres, comme moi, que ça fait pleurer.
VCT.