Rentrez à la maison!
Il a suffit que Penn filme le regard de Nicholson sur une petite vieille impotente marchant péniblement sur le trottoir pour qu’on s’interroge à notre tour sur la vieillesse.
Ca n’existe pas, à en croire la télé, le cinéma, la musique ; vieillir est une offense esthétique. Croyez moi, je choisis volontairement le langage de la provocation. Je n’ai rien contre les vieux. D’abord, ça rapporte un tas de fric à al société : ils consomment beaucoup à force de ne rien avoir à faire. C’est pour cela que tout le monde veut cette retraite à 55 ans : ne rien foutre et recevoir son fric pour le dépenser librement (c’est l’une des rares liberté qu’il nous reste).
Pourtant vieillir nous renvoie l’image du mort, l’image du temps qui passe, du temps qu’il reste, nous remémore l’horreur de notre destin. Et à une époque où il faut être jeune pour réussir, dans une société où il vaut mieux réussir matériellement que devenir sage intellectuellement ou/et spirituellement , vieillir est un gâchis. Combien d’acteurs et d’actrices sont morts dans nos mémoires avant de peupler les nécrologies ? Dans le jeunisme ambiant (y a pas de vieux dans Loft Story on m’a dit), alors que les mecs doivent ressembler aux Backstreet Boys et les nanas à Britney Spears, être vieux c’est être has been. La liposucion ne suffit plus, l’agrandissement de pénis ou le gonflement des seins sont banals ; non le truc du moment c’est l’épilation intégrale, quelque soit votre sexe ; le lifting à 40 ans est une étape aussi nécessaire que le perçage des oreilles pour les filles ou le décalotatge pour les non circoncis.
Je ne plaisante qu’à moitié. Lisez les quotidiens californiens, et observez les pages de publicité : la chirurgie esthétique est omniprésente.
Penn filme donc un vieux qui va perdre la raison. Nicholson, magistral, au risque de me répéter dans ma critique. Haneke s’intéresse aussi au troisième âge façon Tatie Danielle avec une Girardot maboule et parcheminée. Oliveira, doyen encore vert, observe Piccoli et sa lente lutte inutile contre le temps. Les trois cherchent à savoir comment l’homme supporte sa fatigue, sa vie, ses choix. Comment il va affronter la mort, conditionné par de multiples influences qu’il ne soupçonne même pas.Au moins ça donne de beaux rôles à des comédiens qui n'ont aps encore dit leur dernier mot.
Il y en a que la vieillesse rend beau. Le cinéma l’exacerbe : elle est soit pathétique (Signoret, Wayne,...) , soit philosophique (Audrey Hepburn dans Always, Henry Fonda dans On Golden Pond), soit magnifiée (Gable et Clift dans The Misfits). Mais qu’il est dur de vieillir, d’autant plus quand vous dépendez de votre image.
D’autant que la chirurgie plastique, qui épargne peu d’actrices, est souvent ratée. Il y a des stars qui ont évité cette atroce fatalité : Marylin, Garbo...
Mais bon, on a envie d’être tendre avec les vieux. Dans le Tsai Ming Liang, on se dit que la mère est folle ; mais elle aussi se bat contre l’inévitable, à sa façon. Et son fils ne pourra pas la ramener à la raison.
Il y a beaucoup de vieux sur la Côte d’Azur. C’est une région de vieux même. Une sorte de maison de retraite à ciel ouvert. Les pharmacies sont plus nombreuses que les marchands de jouets. Ils marchent lentement sur les trottoirs et ça nous freine, ça nous énerve. Ils sont tranquilles en voiture, ce qui stresse. Ils doublent dans les boulangeries, papotent trop longtemps avec le boucher, se croient tout permis parce qu’ils ont le bénéfice de l’âge.
On a envie de dire « Place aux jeunes » dans ces cas là.
Et puis on se ravise avec un sourire un peu hypocrite, un peu compatissant. Faut bien être gentils. Certains sont seuls. Abandonnés.
Il y a de plus en plus de vieux dans nos sociétés occidentales. Il faudrait des immigrés pour des métissages, plus de jeunes... Ca paierait les retraites au moins. Car ils nous coûtent cher en plus, ces grisonnants. Déjà la plupart ne comprend rien au modernisme et s'enferme dans leurs acquis et leur nostalgie. "C'était mieux avant", "ah l'euro c'est compliqué."
M’enfin. On aura tout le temps de vouloir les remplacer. Après tout, l’âge c’est surtout dans le mental. Le corps peut lâcher, mais l’esprit peut perdurer. En même temps si on ne peut plus marcher, mal voir (Oury notamment), et oublier les noms sur les visages...
Et dire que certains voudraient être immortels. Quel ennui !
V.