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(C) 96-01 Ecran Noir

 
Sous le sable

Charlotte Rampling présentait la soirée d’ouverture, et immédiatement on pensait au sable landais, à ces vagues atlantiques sombres et inquiétantes, à ce corps du mari disparu, à ce deuil impossible, cette révolte sourde contre l’absence. Au film d’Ozon.
Hier je vous parlais d’amour. Aujourd’hui voici la mort.
Car la grande faucheuse est la star de ce Festival. Elle s’invite dans chacun des films ; cruelle, inexpliquée, incompréhensible, bête et méchante... La mort choque l’esprit romantique et naïf de Christian dans Moulin Rouge. Le souvenir de la victime sera immortalisé dans un roman. Elle plane sur les montagnes de Pau et son frère ; le frère est ici réincarné en arbre. Elle hante les esprits de ce groupe d’amis qui s’interrogent sur la mort d’un membre de leur famille, et des centaines d’autres causées par ce sacrifice. Il ne restera que des souvenirs et une douloureuse introspection. Enfin, elle est constante, tuant femmes et enfants, mutilant les autres, en Afghanistan.
Le voile noir couvre les veuves. Les cimetières sont des lieux de rencontre. On se recueille au milieu de la nature, au milieu de plus grand que soit.
L’homme occidental trouve pénible d’être confronter à la mort. Il souhaiterait l’éviter, avec des crèmes anti-rides de L’Oréal Paris, par exemple. Il la conjure avec une spiritualité ou de la chair. Il se sent perdu dans cette société, mais se réfugie dans une modernité, une civilisation qui l’isole des rapports humains. Cette semaine, nous avons fait le deuil d’un chanteur de reggae, Bob Marley ; et d’une époque, celle de l’arrivée au pouvoir d’un homme, Mitterrand. Aussi différentes soient-ils, ces deux morts nous montre à quel point l’homme s’abîme à se remémorer, à commémorer ces bons moments passés. A quel point l’homme s’immerge dans les abysses d’une nostalgie facile, d’un environnement de plus en plus contrasté, entre une nature qu’on assimile à la pureté et des villes qui peut être nous corrompent.
Etrange quand même qu’il faille attendre la mort d’un proche ou d’une période pour faire un travail de mémoire, pour se réconcilier avec les gens, pour avoir le goût de dialoguer, communiquer, toucher, regarder... Dommage qu’il ait fallu 40 ans pour regretter les torturés d’Algérie, le génocide homosexuel des Nazis.
Pendant ce temps le cinéma observe et témoigne : les folies des hommes, qu’ils soient en Afghanistan ou au Japon. Ou encore l’insupportable soumission à ce progrès que certains fuient, parce qu’ils ne veulent pas grandir, ou agir.
Il traduit ce bref instant où l’on vit, avec un peu de spiritualité ou l’amour des autres pour nous réconforter ; dialoguer avec un Dieu ou des arbres ; accepter, donner, recevoir. Ne pas voir en la vie la fatalité qu’on nous a imposé, mais bien y construire son propre itinéraire, affirmer sa propre existence. Il y a eu de pires époques! Le deuil ne devrait amener que l’espoir. Après le noir, la lumière du jour.
Car au final, au moment ultime, on serait tenté de se dire que tout se résume dans une formule à la Jeunet, un j’aime (la vie) / j’aime pas (la mort).
J’aime quand Charlotte Rampling enfonce ses doigts dans le sable froid. J’aime pas quand on donne des poupées tueuses aux enfants.

VCT.