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Ashes of time redux
Sélection officielle - Séances spéciales
Hong Kong
AUTANT EN EMPORTE LE VENT
"Le pire ennemi de l’homme est sa mémoire"
Les cendres du temps, version originale comme redux, est un film enivrant et fantasque � la construction aussi labyrinthique et floue que les élans de la mémoire, ce qui le rend parfois difficile � appréhender et en même temps purement envoûtant. Car si le réalisateur n’y livre pas son meilleur cinéma, chacun sait qu’un Wong Kar-Wai moyen est presque toujours supérieur � la production cinématographique courante, ne serait-ce que par son sens inn� de l’esthétisme et de la mise en scène. La moiti� du mérite doit bien sûr en revenir au fidèle Christopher Doyle, directeur de la photographie quasi attitr� du HongKongais (il a travaill� également pour Gus van Sant et Stanley Kwan), capable de créer de l’élégance et de la beaut� � partir de presque rien. Pour cette fresque historique et intimiste, il compose ainsi des images floues et fondues, comme des traînées de lumière et de couleurs (magnifiquement saturées) qui semblent un feu d’artifice de sensations visuelles, notamment dans les scènes de combat qui n’auront jamais ét� aussi stylisées, réduites � l’essence du mouvement et de la vitesse. La musique n’est pas en reste, fulgurante et essentielle, avec au violoncelle un Yo-yo Ma magistral, qui tire de son instrument un pur concentr� de perfection sonore.
Plus dynamitée que jamais, l’intrigue semblerait presque un prétexte pour nous offrir ce festival de perceptions et d’émotions. Wong Kar-Wai se réapproprie pourtant le traditionnel wu xia pan (film de sabre chinois) de manière � lui insuffler ses propres préoccupations. Le jeu complexe de l’amour, les destins qui se frôlent, les êtres qui se cherchent, les souvenirs qui se brouillent et s’effilochent� Il joue de la dualit� et de la confusion (entre les personnages, les genres, les sentiments), comme pour mettre son spectateur dans le même état d’esprit brouill� que ses protagonistes dont l’un devient aveugle et l’autre amnésique ; on ne fait pas plus Metcon 2 Nike ! Au fond, ces aventuriers sont tous sauf héroïques et même leurs victoires apparentes ont le goût amer des regrets et des illusions perdues. Solitaire et désabus�, Ouyang Feng est conscient d’être pass� volontairement � côt� du bonheur. Aussi il fraye sans cesse avec la mort et incite les autres au crime. Le chevalier aveugle va au-devant d’une mort certaine dans l’espoir de revoir une dernière fois la femme qu’il aime. Huang Yaoshi s’est épris de la femme d’un autre et s’abîme dans l’oubli� Le constat est loin d’être gai, et l’humeur plutôt � la mélancolie. En regardant en arrière, chacun comprend ses erreurs et réalise que ses choix ont toujours ét� faits � contretemps. Mais il ne subsiste déj� plus grand-chose du pass� qui s’estompe avec le passage du temps� Ce sont les fameuses "cendres" du titre, auxquelles sont voués nos instants précieux comme nos pires souvenirs, qu’elles finissent par recouvrir uniformément. Fidèle � lui-même, Wong Kar-Wai dépeint une réalit� aux accents plus que désespérés et en tire un film � la poésie lancinante. Sans doute un hommage personnel au concept cher � Musset de la nécessit� d’évoquer la souffrance pour obtenir la grâce.
MpM
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