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Mala Noche (Bad Night)
Quinzaine des réalisateurs - Compétition
USA
MY OWN PRIVATE OREGON
«- Putain ce que j’ai mal au cul. Il s’est servi de sa bite comme d’une arme contre moi. Macho de mes deux.»
«Qui cherche le taureau, prend un coup de corne» Ainsi commence le premier film de Gus Van Sant, réalisateur novice en 1985. Mauvaise nuit mais très bon premier film.
Film évoquant le désir, l’attirance, l’emprise, thèmes qu’abordent notamment Téchiné, Mala Noche est une fureur de vivre où les sentiments et les pulsion sont à fleur de peau. Caméra qui veut tout surprendre, à l’état brut, mais qui privilégie la mise en lumière des obsessions de chacun (les culs, l’argent, la bouteille et surtout les entrejambes…) et les zones d’ombre qui empêchent d’avoir accès à tout. Nous sommes tous l’esclave de nos rêves, after hours. Il y a ainsi la voix off qui veut caresser, enlacer, embrasser un suçon dans le cou d’un autre garçon, et les gestes maladroits, furtifs, parfois violents. La jeunesse est une beauté sauvage, indomptable, virile et belle. Ce miséricordieux aux vêtements miteux attiré par deux « étrangers », ce n’est jamais que l’idée d’un fantasme qu’il ne faut jamais concrétisé. Comme une belle voiture, c’est inaccessible mais on a le droit de regarder. Magnétique.
Avec une mise en scène déjà maîtrisé, Van Sant esquisse déjà les thèmes quoi le hanteront, ces flirts avec l’argent et le sexe, la mort et l’amour, l’amitié pacificatrice plutôt que la passion tragique, le raisonnable pour calmer le sentimental.
Les Mexicains se comparent déjà à de la bouffe MacDo. De la viande pour abattoir. Anonyme et substituable. Mala Noche est une œuvre underground qui trouve dans ces vies des laissés pour compte des instants qui ressemblent au bonheur, presque à l’extase. Ivresse, jeunesse, vitesse et même jean’s. Au cœur de ces désirs interdits, de ces relations impossibles le cinéaste essaie d’insuffler de la vie, alors que le néant, la peur, la destruction hantent leur quotidien. Entre misérables, un peu de solidarité, un zest d’affection, un brin de compassion. Son ange aux allures de cow boys est sublime, faux rebelle mais défendant sa cause. Homo pas refoulé, grand frère patenté, amoureux transi. Indécrottable romantique au cœur d’artichaut et au cul en feu. Désespérément. Eperdument. Malheureusement. Amants comme des aimants, se rejetant, s'attachant.
Ces êtres solitaires en demande affective, qui conduisent comme ils baisent, pas forcément compatibles, essaient fatidiquement de s’accropcher les uns aux autres pour trouver un sens à cette précarité, ces illusions perdues. Le film, comme la scène de cul, comme eux même a des élans maladroits, malgré tout. Et un côté cru déjà affirmé (un slip avec des traces de pneu). Des références assumées, de Cassavetes (Shadows) au Troisième Homme. Le Noir et Blanc est somptueusement utilisé.
Histoire de fantasmes, définitivement, traversé par des éclairs de réalité et ponctué de petites choses anodines, il tient sur un fil, en équilibre, entre fiction et portrait, poésie et drame, nouvelle vague et avant gardisme désormais un peu passé. Un film à la Jarmusch où les êtres n’ont plus d’étiquettes, de classe sociale ou même de sexe : ils sont juste libres.
V.
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