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Le caïman (Il caimano)
Sélection officielle - Compétition
Italie / sortie le 22.05.06
MORETTI SANS
"- Les films politiques de gauche, je les détestais déjà il y a trente ans."
Facile avec tous ces clichés éculés. Démagogique tant le propos politique n'est pas construit. Présomptueux puisque jamais le film promis n'arrive à ses fins. Déjà avec ces trois qualificatifs, Le caïman nous déçoit. Moretti nous promettait un film sur Berlusconi et les conséquences de trente ans de présence dans la vie politique et économique de son pays. Au mieux nous avons quelques épisodes (son émergence, son insolence) qui retrace le personnage (finalement les archives de son discours à l'Union Européenne s'avèrent le seul moment intéressant, ironique puisque retransmis grâce à la télévision). Au pire il faut comprendre qu'il n'y a rien à filmer puisque Berlusconi a manipulé les cerveaux italiens, désormais connectés à son empire médiatique. Après tout Moretti le dit lui même : nous savons déjà tout sur le bonhomme. Pour ceux qui y seront sensibles on peut toujours arguer que le final, qui met d'ailleurs en scène le réalisateur dans le rôle de l'ancien Président du conseil nous ramène aux films polémiques des années 70. Hélas ce chaos incompris, pessimiste, cloue nos yeux ébahis par tant de simplisme (en clair la justice fait son devoir, ce qui est une bonne chose, mais le peuple refuse le verdict, ce qui sous entend qu'il réélira le "monstre").
Ne jugeons pas l'auteur sur ce simple problème; d'autant que la véritable arnaque consiste à croire qu'il s'agit d'un film politique. Le caïman révèle plutôt l'impuissance de son auteur à pouvoir faire les films qu'il admire tant (ceux justement des années 70), à être capable de parler politique et non pas de lui. Mais voilà, Moretti ne sait pas parler d'autre chose que de lui, ou de son métier. Les deux histoires ne nous intéressent jamais, et leur lien factice nous laisse à l'écart.
Le film est avant tout le portrait d'un producteur, en passe de divorcer, de vendre son studio, et essayant tant bien que mal, et surtout pathétiquement, de monter un film pour se sauver. Sans réelle histoire, avec des séquences qui s'enchaînent platement, la farce vire au règlement de compte grossier, opposant benoîtement le cinéma de sensations à celui de réflexion, se moquant de ses amis journalistes ou communistes. Si encore nos neurones étaient stimulées par ce film.
Il démontre surtout, à l'image de son personnage central, que l'Italie mue malgré tout. Le producteur est dépassé par ces changements (un couple de lesbienne qui adopte, de la musique arabe à la radio) comme par sa propre réalité (il refuse tout ce qui peut perturber ses rêves et ses leurres). Il en devient insomniaque, énervé, énervant. Il rend le film exaspérant pour le spectateur. L'interprétation n'est pas en cause. Le rôle est juste binaire et légèrement antipathique. Jamais séduisant, toujours hurlant. C'est Woody Allen ou Roberto Benigni, sans l'altruisme. Un produit des années Berlusconi? Simpliste comme explication... Heureusement, les femmes, la jeune candide et la mère, apportent un peu de lumière. Quelques fulgurences nous apaisent dès le concert de musique classique. L'ambition cinématographique est palpable avec la démesure onirique de cette coque de Caravelle en plein Rome, ou la destruction soudaine du Studio de cinéma. Fin des temps et temps de la foi. Moretti nous aura passablement agacé durant une heure et de mi avant d'être un tant soi peu touché par la grâce. Bizarrement ce sont les scènes sans paroles mais avec de séduisantes mélodies qui permettent à ce Caïman de ne pas nous déplaire complètement.
Selon nous, sinon, puisque l'Italie est en mouvement, qu'il suive l'adage énoncé dans le film par lui-même : "C'est toujours le moment de faire une comédie."
v.
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