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Elton John (wiki)
Actualités sur Rocketman

 

Rocketman

Sélection officielle - Hors compétition
/ sortie le 29 mai 2019


CIRCLE OF LIFE





« - Tu aimes mes chansons ?
- Pas autant que le chanteur.
»

Quelques mois après le carton de Bohemian Rhapsody sur le chanteur de Queen Freddie Mercury, voici un autre biopic sur une star pop-rock issue des fastes seventies sur les écrans. Si Bohemian et Rocketman ont en commun d’avoir eu Dexter Fletcher aux manettes (pour le premier, il a remplacé officieusement quelques temps Bryan Singer), les deux films sont radicalement différents. Rocketman assume clairement l’homosexualité de son personnage (même si la sexualité « explicite » reste pudique) et ses addictions (drogue, alcool, médocs, sexe, …). Mais surtout ils ne sont pas construits de la même manière.

Elton John, qui est aussi producteur du film, a une grande habitude des shows de Broadway, ayant composé les musiques du Roi Lion et de Billy Elliot, deux des grands succès sur scène de ces 20 dernières années. Cela se ressent dans ce film à sa gloire (et ses déboires). Car Rocketman est une comédie musicale prête pour être transposée sur les planches, avec ses numéros chorégraphiés et ses chansons interprétées par un ou plusieurs personnages.

Le troubadour

Autrement dit, si on n’aime pas les tubes du britannique excentrique, les deux heures paraitront longues. Pour les autres, ce sera la tentation d’un karaoké permanent, passant de "Don’t let me the Sun go Down on Me" à quelques notes de "Candle in the Wind", "Don’t Go Breaking My Heart" à la trop brève "Sorry seems to be the hardest word". Il y a des chansons connues ("Your song", Lucy in the Sky…", "Daniel") qui n’y sont pas, aussi. Mais il y a surtout 5 hits, pas forcément dans l’ordre chronologique, qui font décoller le film à certains moments : "Crocodile Rock", qui marque sa naissance sur scène, "Goodbye Yellow Brick Road", qui offre à Jamie Bell sa grande scène, "I’m Still Standing", qui permet un pastiche du clip tourné à Cannes, le fameux "Rocket Man", qui débute lors d’une tentative de suicide jusqu’à sa résurrection dans un stade, et surtout "Your Song", le plus grand moment d’émotion du film. Reconnaissons à Dexter Fletcher une certaine inventivité visuelle dans certaines séquences musicales et transitions temporelles « flashys ».

Tous ces passages de « musicals », aussi réussis soient-ils, interrompent mécaniquement le fil narratif (de son enfance à 1983). Les étapes de sa vie deviennent des scenettes décousues auxquelles s’ajoutent la base du récit : une séance de psychothérapie collective d’où il retrace son existence et ses traumas.

Le film est une longue confession d’un « piano man », petit, grassouillet et binoclard, sur son manque d’amour (le père, la mère, son manager-amant, incarné par un Richard Madden aussi magnétique que cynique) et son besoin d’amour. La musique lui sert d’échappatoire, même si on le voit peu composer ou enregistrer ou se produire sur scène. En se créant un personnage et une nouvelle identité, il ne se facilite pas la découverte de lui-même.

Drama Queer

Finalement, l’amour (le grand, le beau) est ailleurs. Dans sa relation amicale fusionnelle et fraternelle avec son parolier (hétérosexuel) Bernie Taupin. Cette liaison « amoureuse » produit les plus belles séquences, sans doute grâce à la sincérité réelle des sentiments entre les deux protagonistes.
C’est évidemment divertissant et excessif. Même la cruauté des parents n’est pas dans la demi-mesure. On comprend bien comment l’ascension artistique se dédouble en déchéance personnelle. C’est classique, et c’est ce qui plaît dans les biopics : la douleur et la gloire. Diva, qui divorce de tout le monde, Elton John assume sa déchéance et sa décadence. De son saut fatal dans la piscine (« Pour ma prochaine tournée, je vais me foutre en l’air ») jusqu’à cette orgie allégorique très convenue dans les tons rouges.

Si le film n’évoque qu’en partie le génie créatif qui l’a habité durant une quinzaine d’années, oublié souvent à cause de ses tenues extravagantes, il se complait malgré tout dans les névroses et le mal-être du personnage, qui est bon pour une cure de détox. Tout cela est un peu facile, pour ne pas dire déjà-vu.

Si on s’attendait à plus de folie, on remarque surtout qu’il reste des pans entiers oubliés. Outre quelques gros tubes et ses concerts déments, le film laisse pas mal de personnages en plan, dont on ignorera tout de leur existence (notamment celui de Madden, John Reid, qu’on a aussi croisé en manager de Queen dans Bohemian Rhapsody).

En voulant solder cette période malheureuse qui a fabriqué son destin triomphal, Elton John a voulu un film honnête (de son point de vue), sombre (malgré les paillettes), hommage (il reste égocentrique et vaniteux), simpliste (pour le grand public), et, hélas, moralisateur (les drogues et l’alcool c’est mal). Il cherche d’un côté le pardon, de l’autre une vie conventionnelle (un mari, des enfants). Bref rentrer dans le rang, ce qui coïncide avec son déclin artistique. Avec Rocketman, il s’offre un bel album souvenir (coûteux) en guise de cadeau de retraite, plus pop que rock.

vincy



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