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Sorry We Missed You
Sélection officielle - Compétition
/ sortie le 23.10.2019
IT’S A SAD SAD SITUATION
«- Je préfèrerais travailler seul. Être mon propre patron. »
Avec une amorce assez légère (jusqu’au clin d’œil à Eric Cantona), on espérait presque le grand retour de Ken Loach dans le registre de la comédie sociale dramatique. Une attente qui va être rapidement déçue puisque Sorry we Missed You va vriller dans une spirale infernale plutôt noire.
Quand bien même, vous découvririez le cinéaste britannique avec ce film, vous auriez un aperçu assez vague de son œuvre. Après Moi, Daniel Blake, il semble que Ken Loach et son scénariste Paul Laverty capitulent devant le monde brutal du libéralisme : leurs personnages ne sont plus combattifs. Tout juste leur rêve est de devenir propriétaire en se soumettant à toutes les lois de cette jungle sans syndicat ni contrat de travail, avec des clients-rois qui se rendent complices du système.
On ne peut pas reprocher au duo de rester à l’affût des tumeurs du monde du travail moderne. En fins observateurs, ils gardent une acuité acerbe sur ce néo-esclavagisme qui précarise les classes moyennes. Film sur l’ubérisation du monde de travail, Sorry We Missed You manque de subtilité. Avec une histoire aussi manichéenne, où les tuiles ne semblent touchées que cette famille, et où, jamais, on ne critique les mauvais choix de ce père de famille, très égoïste. Car c’est une première chez Loach, les personnages, des stéréotypes peu inventifs, ne sont pas sympathiques, hormis la mère-courage, victime de tous et de tout. Il ne manque plus qu’un mort pour que le tableau soit complet.
Pire, la fiction qui découle de ce portrait de notre société contemporaine ultra-libérale se noie dans le misérabilisme. A chaque étape, le scénario rajoute une bonne dose d’accidents et de drames, de peur qu’on ne comprenne pas la « vie de merde » de cette famille plus capable de gérer leur vie personnelle et leur job sans horaires fixes. On remplit donc l’histoire d’incidents banals et injustes pour bien enfoncer le clou.
Cette désagrégation, sociale et familiale, malgré quelques bonheurs furtifs, a un ennemi : le temps. Il est le grand tyran en arrière-plan, dictant les délais de livraison, les temps de transport, le restant pour les loisirs… Il empêche de baiser, de profiter, de partager.
Evidemment, tout est fait pour nous révolter. Mais justement en voulant dicter notre point de vue, sans nuances, le réalisateur s’enferme dans une voie sans issue. Il ne sait plus faire respirer ses films, qui s’étouffent dans le malheur de ces misérables, écrasés par ce monde où chacun des acquis se décompose sous nos yeux.
Le misérabilisme comme moteur de la narration et comme cadre de l’histoire agace d’autant plus rapidement que tout s’annonce prévisible, en plus d’être déjà vu et de porter une morale convenue. Mais Loach ne sait pas quoi faire de ses personnages, qu’il laisse en plan, sans savoir quelle direction leur faire prendre. Il en va de même du film qui ne sait jamais vraiment où il veut aller.
vincy
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