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Chris the swiss
Semaine critique - Films en sélection
/ sortie le 03.10.2018
PROFESSION : REPORTER
"Ils tuent des civils ? Ce n'est pas possible ! Ce n'est pas une guerre !"
Pensé comme une enquête à la fois intime et documentée, Chris the Swiss est un film captivant qui dresse le portrait nuancé du personnage principal, reporter mystérieux dont le meurtre ne fut jamais élucidé, tout en proposant une plongée brutale dans le contexte complexe de la guerre civile en ex-Yougoslavie. Anja Kofmel mêle ainsi les images d’archives, les témoignages contemporains et les séquences animées fantasmées pour faire revivre le jeune homme (qui était son cousin) et tenter de comprendre les circonstances réelles de sa mort brutale.
Ne cédant pas à la facilité du mélodrame ou du spectaculaire, la réalisatrice ne garde que l’essence de son sujet (cette quête de vérité concernant Chris) et laisse à distance les tentations complotistes ou complaisantes. On sent que la jeune femme a longtemps mûri cette histoire à la fois personnelle et extrêmement politique qui était déjà au centre de son court métrage Chrigi en 2009. Formellement, le film est d’ailleurs parfaitement abouti, proposant des parenthèses oniriques et des séquences quasi abstraites pour exprimer visuellement, et non de manière didactique, la violence des situations, le trouble des personnages, ou encore le mal tapis dans l'ombre, prêt à resurgir à chaque nouveau conflit. Le style graphique du film, ultra-stylisé, dans un noir et blanc contrasté, permet ainsi de dépeindre métaphoriquement l’atmosphère cauchemardesque et mortifère de la guerre, au travers notamment de formes noires et grouillantes qui se combinent et se désintègrent au fil des plans.
Sur le fond, c’est tout aussi réussi, grâce à une écriture subtile qui ne s'emprisonne dans aucun genre ni format, permettant de reconstituer avec justesse des événements historiques précis et de leur apporter un éclairage a posteriori parfois indispensable pour éviter tout manichéisme. On est une nouvelle fois impressionné par l'efficacité de l'animation pour aborder ce type de sujets complexes et multi-facettes. En plus de sa valeur historique et de sa dimension intime, Chris the Swiss s’avère également une réflexion saisissante sur le rôle du journaliste pris dans la guerre, et sur l’importance de son travail. Témoigner, jusqu’à quel point ? Si Chris y laissa la vie, sa cousine transcende ce destin tragique pour le transformer en récit indispensable qui frappe bien au-delà de son aspect individuel.
MpM
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