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Guy

Semaine critique - Séances spéciales
France


QUAND J'ETAIS CHANTEUR





Quand un jeune journaliste découvre qu’il serait peut-être né d’une aventure entre sa mère et un célèbre chanteur, il décide de contacter son géniteur pour le filmer dans le cadre d’un documentaire. Le journaliste on ne le verra presque pas. Il reste derrière la camera de ce faux docu, narrateur de cette vraie fiction. Guy Jamet, bien qu’un peu ringardisé, est justement en pleine promo d’un nouveau disque et d’une nouvelle tournée de concerts. A l’image et en coulisse c’est l’acteur/réalisateur Alex Lutz qui maîtrise ici l’art de la transformation avec brio tout en créant une mise en abyme de la célébrité assez fascinante.

Car, au fil des différentes séquences, se construit un double portrait de Guy Jamet avec sa vie privée chez lui auprès de sa compagne (et de ses chevaux) et sa vie publique d'has-been populaire durant la promo et les répétitions de concert. Ce double portrait de dédouble tel un kaléidoscope avec de multiples images du passé quand il était une vedette de premier rang et cela à différents âges (et autant de coiffures et de costumes). Avec ce puzzle, on devient alors persuadé que ce Guy Jamet a vraiment existé à l’époque yéyé de nos parents. Le point de départ du film est justement pour le narrateur de découvrir qui est cet homme qui serait son père illégitime sans le savoir, sa démarche est en fait la même que Alex Lutz le réalisateur : confronter le présent à une certaine mélancolie du passé.

La première impression qu'inspire Guy Jamet c'est la troublante ressemblance avec Jean-Paul Belmondo vieillissant (le timbre de voix, le débit de parole, un tic de bouche…) mais dès qu'il est derrière un micro tout à fait crédible en chanteur de variété. Il pioche chez Delpech, Bécaud, Lama et autres vieux beaux crooners pré-Mitterrandiens. C’est surtout comme si au fil du temps Claude François serait devenu Frank Michael. On se rend compte que c’est surtout une certaine nostalgie des années 1970 qui flotte, avec de nombreuses notes qui peuvent remémorer Jane Birkin, France Gall, Dani (en guest), Serge Gainsbourg, Julien Clerc (en guest aussi), Michel Sardou, Frédéric François.
Le tour de force du personnage de Guy Jamet est de s’inscrire dans notre imaginaire avec plusieurs imitations ou pastiches d’artistes qui nous sont familiers.

Alex Lutz l’acteur n’avait pas encore vraiment réussi son passage de la scène (one-man shows à succès) et du petit écran (les pastilles humoristiques Catherine et Liliane) au grand : les gros budget dans lesquels il apparait ont été des échecs (Les Visiteurs 3 et Spirou et Fantasio), et en tant que réalisateur, avec son premier film Le talent de mes amis, il s'est pris un gros gadin. Avec Guy, il réussit une double confirmation à la fois pour la mise en scène et l’interprétation. Gourmand, il s'est offert le luxe d'un double personnage (plutôt que d'offrir celui du vieux Guy à un acteur senior).
La forme d’un vrai/faux documentaire lui permet de laisser libre court à son instinct d’improvisation tout en faisant preuve d’un humour plus subtil. L’effeuillage de divers glorieux souvenirs confrontés au présent pour les raviver lui permet de raconter autant la vie d’un chanteur que d’aborder le temps qui passe avec diverses histoires d’amour (ses compagnes, sa famille, son public, sa troupe, les médias…). C'est comme un gars (guy en anglais) ici de la Génération X qui filmerait ses parents baby-boomers.

Alors qu’on aurait pu craindre un exercice de style sarcastique, le film parvient à nous saisir d’émotion de manière désarmante. Guy est le miroir attendrissant de cette époque révolue et celui plus compatissant avec celle d'aujourd’hui. Il parvient à être juste dans la parodie comme dans la sensibilité du sujet. Il enrichit son scénario d'une reconstitution minutieuse, de seconds rôles flamboyants, de formes visuelles variées. C'est à la fois réaliste et magique.

Après la projection vous vous surprendrez à fredonner une chanson de Guy Jamet, comme "c’est notre chanson mon coeur, qui nous remplit de bonheur, dadoudi doudida…" Car même ces chansons neuves sont aussi crédibles que celles qui ont traversé ces époques.

Kristofy



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