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Les filles du soleil
Sélection officielle - Compétition
France / sortie le 21.11.2018
LES COMBATTANTES
« Ils pensent qu’ils ne vont pas au paradis s’ils se font tuer par une femme. Pas de chance. »
Il est parfois préférable de parler mal des choses que de ne pas en parler du tout. C’est en tout cas la sensation que l’on a devant Les filles du soleil, tentative maladroite et souvent bancale de mettre en scène un bataillon de combattantes kurdes luttant contre Daesch. Eva Husson s’inspire de faits réels (les unités féminines qui se sont engagées contre l’état islamiste, formées de Kurdes ou de Yézidies, entre 2014 et 2015) et met en lumière leur engagement et leur sacrifice pour libérer leur peuple en même temps que leur refus d’être des victimes, dans une guerre où les femmes et les fillettes servent d’esclaves sexuelles.
Les protagonistes du film sont ainsi d’anciennes captives qui ont décidé de prendre les armes contre leurs bourreaux et dont l’histoire sera révélée peu à peu au travers de flashbacks qui alternent avec la découverte du camp et la préparation de la prochaine offensive. Le prétexte à ce récit est la rencontre entre Bahar, la commandante très justement interprétée par Golshifteh Farahani, et Mathilde, la reporter de guerre française venue couvrir le conflit.
C’est malheureusement la plus mauvaise idée du film tant les conversations entre les deux femmes sonnent faux, ficelle scénaristique dont on sent en permanence qu’elle n’est là que pour informer le spectateur. La construction du récit en souffre également : en multipliant les courts flash-backs, qui s’arrêtent systématiquement sur un épisode tragique, la cinéaste donne l’impression de saucissonner l’émotion et d’ajouter du romanesque à des faits réels d’une indicible violence. La seule fois où elle ne le fait pas, lors d’une longue séquence d’évasion racontée en une traite, dans laquelle souffle plus de cinéma que dans tout le reste du film, on se laisse emporter par la puissance dramatique du propos et la qualité d’une mise en scène qui nous serre enfin le coeur. Quel dommage que tout le récit ne soit pas à l’image de cette parenthèse digne et maîtrisée, sur laquelle plane la force du collectif et de la détermination. Mais non. Il retombe vite dans les émotions racoleuses, les plans surlignés, la musique sirupeuse, et les problèmes purement intimes des personnages.
On s’indigne en effet de voir l’engagement absolu de Bahar réduit à l’unique désir de retrouver son fils, de même que les souffrances de la journaliste ne sont pas tant dûs aux horreurs qu’elle traverse et observe qu’à ses soucis familiaux. Pourquoi avoir choisi d’écrire des personnages féminins forcément obsédés par la mort d’un compagnon et l’éloignement d’un enfant, et non pas animés par des idées, des principes ou la volonté de prendre leur propre destin en mains ? Pourquoi, lorsque des femmes sont impliquées, doit-il toujours y avoir des enfants et des maris en arrière-plan, dont la disparition explique et dicte tous les actes des personnages ?
C’est d’autant plus dommage qu’il n’y avait pas besoin de rajouter tant de fiction à ces faits réels, connus, et bien assez terribles en eux-mêmes. On a la désagréable impression qu’Eva Husson n’a voulu déplaire à personne : elle a d’ailleurs anonymisé les lieux et les factions (les combattantes parlent pudiquement des « extrémistes ») pour entretenir un flou assez commode autour de la vraisemblance de son intrigue et ne pas tenir le moindre discours politique. Elle a juste oublié que la guerre n’a pas à être plaisante, romanesque ou grand public. Il était tout aussi possible de rendre hommage aux souffrances des femmes enlevées et à l’engagement des combattantes sans sombrer dans une forme de simplisme naïf et condescendant à l’égard du spectateur.
MpM
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