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Petra

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
Espagne / sortie le 08.05.2019


LE KARMA POUR LES NULS





"Tu ne t'intéresses pas à l'argent ?"

Quatre ans après La Belle Jeunesse, Jaime Rosales est de retour avec un drame espagnol comme on les aime. Petra est une jeune artiste qui n'a jamais connu son père. Obstinée, elle suit des pistes qui la mènent jusqu'à Jaume Navarro, un plasticien mondialement connu. Il accepte de la prendre sous son aile dans sa résidence perdue non loin de Gérone. Mais Petra y découvre un homme cruel et égocentrique qui fait régner une atmosphère pleine de rancœur auprès des siens.

Féminin mais pas féministe

Entre adultères, mensonges et révélations, Petra ne peut laisser personne indifférent. Notamment parce que le film pose la question de savoir si l'on connaît vraiment nos proches. Ou si, et c'est sans doute le cas, nous ne sommes finalement conscients de qui ils sont que lorsqu'ils sont sur leur lit de mort ou bien déjà partis. Bourré d'ironie, Petra pourrait être annoncé comme un croisement réussi entre un Woody Allen et Pedro Almodóvar, tant il permet à ses personnages féminins d'éclore et de se révéler, délaissant rapidement les archétypes de la mère aimante, de la fiancée pétillante et de la fille à papa. Loin d'être tendre avec elles, Jaime Rosales offre à voir des femmes complexes, brisées par la vie ou par les hommes qu'elles ont eu le malheur de croiser. Entre un amant narcissique, un père incompétent et un patron arrogant, le réalisateur de Rêve et silence propose des situations incroyablement tragiques tant elles sont réalistes.

Avec ses mouvements de caméra, Jaime Rosales balade le spectateur et l'empêche de s'ennuyer. Ou plutôt, il l'empêche de voir frontalement la réalité de cette histoire où tout le monde se ment pour se protéger et où les femmes, plus couillues que les hommes, s'avancent sur le chemin de la rédemption plus vite. Comme dans la vraie vie ? Pensé comme un puzzle géant qu'il est impossible de pleinement reconstituer, Petra repose ainsi sur de nombreux rebondissements qui vous feront bondir sur votre siège ou soupirer "C'est une blague…" Avec ses chapitres aléatoires, le film tisse une toile dont le spectateur ne peut s'échapper tant elle lui colle à la peau. Elle imprègne son imaginaire et lui permet de mieux déconstruire le mythe de la famille modèle.

La cruauté de l'être humain

Véritable coup de foudre cannois, Petra raconte donc en premier lieu la quête de cette jeune femme mais également la construction d'un personnage féminin particulièrement fort. Incarnée par la brillante Barbara Lennie, Petra se retrouve face à un homme qui parvient à manipuler d'innombrables vies, tout en gardant une aura intacte. Les airs de ressemblance avec d'éventuels prédateurs sexuels récemment exposés sont hasardeux mais extrêmement pertinents. La scène de la chambre d'hôtel figure d'ores et déjà au palmarès des plus cruelles jamais vues.

Plus encore, le film dispose d'un antagoniste digne d'un thriller en la personne de Jaume. Particulièrement méprisant, Joan Botey livre une performance proche de la perfection tant la perfidie du personnage l'habite. On a rarement vu un chef de famille aussi dangereux et versatile. Conscient de son pouvoir d'attraction sur les femmes (et de la crainte qu'il peut inspirer aux hommes qui le côtoient, Jaume fait marcher son monde, tirant les ficelles du drame qu'il veut écrire. Mais à trop jouer avec le feu, on finit toujours par se brûler.

Que l'on soit un homme ou une femme, il y a nécessairement un moment où le film de Jaime Rosales permet de faire le parallèle avec sa propre histoire familiale. Au moment de sa sortie en salle, on ne pourra que vous le recommander chaleureusement. Mais en attendant, Petra demeure le meilleur film que l'on a vu à la Quinzaine des réalisateurs 2018.

wyzman



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