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Jeune femme
Certain Regard
France / sortie le 01.11.2017
SANS TOIT NI SOI
« - Ça me touche…
- Tu sais quoi ?! Touches toi ! »
Paula est paumé, névrosée, immature, obsessionnelle, bavarde. C’est une femme énervée. Elle est encore adolescente dans sa tête, forte en apparence avec une parole « cash », fragile dans le fond, comme un oiseau blessé qui ne parvient pas à s’envoler.
Face caméra, on comprend vite que Jeune femme tournera autour d’elle. Sujet, objet et complément d’un portrait au féminin qui a reçu la Caméra d’or (Prix du meilleur premier film à Cannes). Et c’est mérité.
De cette errance parisienne, la réalisatrice Léonor Serraille cherche des fulgurances de vérité. Son cinéma brut, post-Nouvelle Vague, à la fois naturaliste et psychologique, fait écho aux films d’Agnès Varda. Mais pour atteindre une forme de grâce et sa force insoupçonné, le film compte surtout son actrice. Drôle (parfois involontairement) et touchante, Laetitia Dosch incarne avec une justesse dénuée d’effets ce personnage à la dérive, abandonnée par tous et vagabonde par choix, vulgaire et romantique, naviguant entre galères et survie.
Elle est incandescente, inconsciente, inconséquente et c’est ce qui fait tout le charme, ce qui fournit toute l’énergie au film. Au point de ressentir une véritable empathie pour elle et son mal-être palpable. Mais cela ne suffirait pas à nous captiver, tant nous avons déjà vu maintes fois ce style et ce genre de cinéma introspectif et conflictuel, réaliste et humain. Ce qui contraste d’ailleurs avec le personnage expansif et hors des réalités.
Le film de Léonor Serraille se distingue en fait par deux aspects. L’arrière-plan : un Paris qui exclut, une ville de fric qui marginalise ceux qui n’en ont pas et qui étouffe toute imagination et singularité. En opposant bobos et prolos, elle est en quête de l’humanité en chacun de nous, du lien qui se créé au nom d’une solidarité instinctive ou qui ne peut pas se construire à cause d’un mépris de classe non assumé.
Il y a ceux qui sont et ceux qui prétendent.
Mais l’essence même de Jeune femme est ailleurs. L’évolution intime du personnage et la manière dont elle est filmée apportent une solidité à la forme comme au propos. Des relations toxiques qui la déboussolent à son équilibre enfin trouvé, elle passe ainsi de l’instinct à la raison. Cette progression vers le statut de « sage » femme, et finalement de « fillette » abusée et manipulée à jeune femme, apaisée et accomplit. Son visage s’est adoucit, embellit, et la caméra de Léonor Serraille la magnifie pour la faire passer de cette chenille rampante sur le bitume sale à un papillon aux yeux vairons qui a le ciel pour horizon.
C’est bien cette émancipation psychologique accompagnée d’une cette métamorphose physique qui donnent toute la solidité à ce film aussi vulnérable que son héroïne.
vincy
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