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Téhéran tabou (Tehran Taboo )

Semaine critique - Films en sélection
Allemagne / sortie le 04.10.2017


SIN CITY





« Je n'ai pas besoin d'une servante, par contre, une femme, je ne suis pas contre. »

A contre-courant de sa réputation de cinéma facile d’accès à destination du jeune public, le cinéma d’animation est souvent le format idéal pour aborder des sujets sensibles, politiques, voire tabous, comme en fait la démonstration Téhéran tabou qui suit le destin de trois femmes aux prises avec les interdits rigides entourant la sexualité, et plus largement la condition féminine, en Iran. Impossibilité de travailler à sa guise, impossibilité de divorcer à son gré, impossibilité de mener la vie sexuelle que l’on souhaite… Les thèmes abordés par Ali Soozandfeh ne sont ni particulièrement consensuels, ni spécialement optimistes. Et surtout, ils rhabillent pour les prochains hivers une société iranienne certes corsetée par la morale, mais surtout gangrénée par l’hypocrisie. Recréée pour le film en décor stylisé presque allégorique, Téhéran apparaît en effet comme le carrefour des faux-semblants et de l’immoralité, avec sa vie nocturne où règnent le triptyque sexe, drogue et alcool ; ses boutiques où tout ce qui est illégal peut s’acheter ; ses magistrats corrompus qui appliquent la morale la plus sévère aux autres, et mènent eux-mêmes une vie de débauche…

On comprend aisément pourquoi le réalisateur a choisi le procédé de la rotoscopie (qui consiste à filmer de vrais acteurs sur fond vert, puis à les redessiner et à les intégrer dans des décors peints) pour ce pamphlet politique violent et d’une extrême noirceur. Il y gagne en effet un grand réalisme dans le trait et dans le jeu des acteurs, tout en bénéficiant de la liberté absolue de représentation offerte par l’animation. Il fallait bien ça pour que ses personnages ne soient pas seulement des archétypes un peu figés, mais de vrais êtres de chair et de sang à la personnalité affirmée, dont le combat contre l’oppression sous toutes ses formes sonne parfaitement juste. Le constat sur l’impossibilité de s’épanouir dans un système aussi hypocrite et contradictoire n’en est que plus violent, voire anxiogène. Même si le film (et c’est là son principal défaut) donne parfois l’impression d’être un catalogue quasi exhaustif des problèmes de la société iranienne, de la toute-puissance des hommes sur les femmes à la corruption des fonctionnaires, en passant par la censure artistique ou la tentation de l’exil, voire pire.

Heureusement, son écriture pleine d’ironie préfère l’humour au misérabilisme, et évite largement le mélodrame pour aller vers un ton plus léger, plein d’auto-dérision, qui ne fait que mieux ressortir les aspects les plus noirs et les plus sordides du récit. Ali Soozandfeh joue notamment sur le contraste des situations pour amener le spectateur à aller plus loin que ses émotions, en réfléchissant à ce qu’il voit, et en en tirant ses propres conclusions. C’est sans doute pour cela que le film fait l’effet d’un tel électrochoc, réveillant frontalement et crument les consciences assoupies. Peut-être a-t-on le sentiment, à force, de tout connaître sur la société iranienne. Mais Téhéran tabou est indéniablement la salutaire piqûre de rappel pour combattre l'horrible indifférence.

MpM



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