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Fortunata

Certain Regard
Italie / sortie le 24.01.2018


JASMINE TRINQUE





«- On dort tous mal de nos jours.»

Fortunata est un portrait de femmes qui n’aura pas déplu à Pedro Almodovar. Une battante et une combattante, angoissée et fragile, rêveuse pressée et bosseuse au noir, maman d’une gamine pas heureuse et gérant trois hommes, dont son futur ex très brutal : la belle romaine traverse la vie comme on enchaîne les haies à une course d’obstacles. Parfois la haie tombe, parfois on chute. Toujours se relever. Même fatiguée en guerre permanente.

On y croise une ancienne tragédienne allemande un peu illuminée et son fils dépressif tatoueur, des chinois qui rachètent tout dans ces faubourgs de Rome, un psy très sexy, on entend les prières de la mosquée et des copines hystériques. Sergio Castellitto essaie de dépeindre l’Italie contemporaine, celle des précaires, loin des clichés. Les personnages sont hélas souvent trop stéréotypés, hormis celui de Fortunata et du psy, pour donner une profondeur à ce tableau jouant sur des clairs obscurs. Porté avec passion par Jasmine Trinca, mère (ce qui suffit à être « maso » selon elle), capable de se faire prendre par derrière à la fenêtre par son futur ex et de croire en un avenir meilleur malgré tout, Fortunata n’est pas très loin de la Penelope Cruz de Volver. Une lointaine cousine latine.

Quelques dialogues crus, quelques séquences d’ambiance et quelques situations intenses mettent un peu de relief à un film qui, hélas, ne nous surprend jamais réellement. On devine rapidement que l’héroïne va aller de déconvenues en déceptions. C’est un rôle en or pour une actrice. Mais cela ne suffit pas à en faire une histoire forte, malgré la flamboyance charismatique du personnage.

A la fois névrosés et abandonnés, paumés et optimistes, les protagonistes sont avant tout dans un déni de réalité, refusant de croire que leur vie est définitivement pourrie (l’épilogue, en cela, est assassin). Le cinéaste sait créer une dynamique salutaire mais pas forcément une cohésion nécessaire. Au-delà de la tragédie qui se dessine progressivement sous nos yeux, avec cette métaphore lourdingue autour d’Antigone, le récit est terriblement « hollywoodien » dans sa démonstration, happy end en moins. La descente aux enfers de Fortunata, qui perd un à un ceux qu’elle aime ou ce qu’elle aime, qui perd aussi son éclat, manque d’élan pour nous emporter avec elle. Sans déplaisir, le film fonctionne davantage par petites vagues et le tourbillon n’est jamais très profond. La dernière partie semble même s’enrayer avec des scènes qui ont du mal à s’enchaîner.

Si son prénom signifie chance, alors elle le porte évidemment mal. Et si le film voulait, comme son épilogue l’indique, montrer qu’au milieu de ce chaos et de ce fracas, seul son rôle de mère importait, alors le réalisateur aurait peut-être du s’éviter autant de diversions. Car au final, Fortunata n’est pas vraiment sauvée. A l’instar du film qui a trop cherché sa voie et s’est perdu en cours de route.

vincy



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