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Happy End
Sélection officielle - Compétition
France / sortie le 18.10.2017
CODES CONNUS
«- Tu entres ou tu sors? Ou tu veux rester là ? »
Avec Happy End, Michael Haneke revient à ses films français du début des années 2000, Code inconnu et Caché, portraits de bourgeois pris dans un maelstrom qui va progressivement les désagréger un à un. Une sorte de lente décomposition, où la moisissure attaque leur vernis de façade et la pourriture intérieure se révéler au grand jour.
Cette entomologie de la bourgeoisie, dont Claude Chabrol se délectait avec perversité, est, chez le cinéaste autrichien, une manière d’observer le déclin occidental à travers son élite vieillissante et protégée. Il y insuffle un poison (une gamine à tendance psychopathe au cœur même du noyau familial), un corps étranger (au loin des réfugies africains), une maladie (l’argent qui achète tout, des « esclaves » marocains employés comme serviteurs aux « pauvres » qui n’ont pas les moyens de les attaquer en justice) et un accident (un écroulement dans un chantier, impressionnant). Ces différents symptômes n’ont rien d’une grenade qui, par sa déflagration, imploserait tout de l’intérieur. Il s’agit bien de distiller l’inquiétude, l’angoisse, l’âpreté et la détestation qui vont servir de révélateurs.
Avec son savoir-faire, le réalisateur construit chaque séquence comme un journal en images. Il manie avec maîtrise toutes les formes d’image dont il dispose : un smartphone, une webcam, un plan large qui épie au loin une discussion dont on ne saura rien, des plans serrés pour créer l’intimité, etc… Pour la plupart, ces procédés ont déjà été utilisés dans certains de ses films. Happy End ne réinvente rien dans le cinéma de Haneke. L’œuvre est distante et froide. Les scènes sont collées les unes aux autres sans créer un élan quelconque. Le scénario dicte sa volonté de ne jamais nous émouvoir ou nous bousculer (tout l’inverse de ses deux Palmes d’or).
Si Happy End ennuie plus qu’il ne devrait, c’est aussi parce que ses personnages, à l’exception du doyen (Trintignant, parfait évidemment, qui connaît son statut) et de la dernière arrivée (Fantine Harduin, juste de bout en bout, qui cherche sa place), sont jugés coupables d’entrée par la manière dont ils sont écrits. Cette vision cliché et même binaire dessert le propos, grossièrement appuyé par un trait épais. Ces personnages, on les a déjà vu cent fois. Leur histoire et leur monde, on l’a déjà connue mille fois. On pressent tout ce qui va arriver. On connaît la fin dès le premier tableau de famille.
Sans amour
Cela n’empêche pas quelques scènes de se distinguer (outre celles avec le grand-père et sa petite fille, les plus frappantes sont celles avec le fils d’Huppert, incarné par Franz Rogowski), quelques plans de nous rappeler le brio du cinéma d’Haneke. Mais cela ne suffit pas à créer le trouble que l’on espérait, voire l’horreur qu’on pouvait attendre. Rien n’est subversif : le bourgeois n’est pas si méchant. Il est juste atteint d’un sale virus incestueux. L’adultère, l’alcool, le pouvoir sont autant de médicaments placebo sans réels effets à long terme. L’enchaînement des incidents (tentative de meurtre, de suicide, tabassage, morsure) et l’absence d’affection sincère (le sexe n’est ici que épistolaire : les mots sont trash, les actes inexistants) ne remettent personne en question.
Happy End n’a rien de cathartique. Entre apathie et pathologies, les protagonistes semblent voguer au gré du vent, tant qu’ils sont en première classe sur leur Titanic. Il y a bien un pétage de plomb et une prise de conscience, mais on est loin de l’inconfort ressenti dans Elle ou, plus récemment, de la culpabilité illustrée dans The Square et de la perversité horrible dans Mise à mort du cerf sacré. Ici, cependant, rien ne nous dérange vraiment. Le manque d’amour aurait même dû nous bouleverser. Mais le grincement est trop ténu pour qu’on y prête une attention exagérée.
Le film est trop décousu pour ça. Alignant les poncifs tout en étant dépourvu de critique et d’enjeu, il nous laisse à l’écart, dans l’indifférence générale.
vincy
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