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Money Monster
Sélection officielle - Hors compétition
USA / sortie le 12.05.2016
LEE ET KYLE SONT DANS LE MÊME BATEAU
«- Tu crois en l’argent. Pas aux gens… »
Jodie Foster, réalisatrice, fonctionne sur trois piliers : le clan, familial ou professionnel, le canard boiteux exclu de la communauté, et un système – société, famille, mœurs – qui impose sa norme. Mélangez les trois, et ça donne toujours un cocktail détonnant où les rouages se grippent. Money Monster obéit de la même manière à cette règle.
Mais pour une fois, la cinéaste, avec son quatrième long métrage, voit un peu plus grand : casting de stars – le duo / couple Clooney – Roberts -, genre flirtant avec le thriller, loin de ses précédents films plus intimistes, sujet politique, et finalement production de studio balisée pour le grand public. A ce titre, Money Monster est efficace.
On ne perd pas de temps (c’est de l’argent) et le rythme dicte tout. Ce qui conduit à un scénario assez simple, loin de la complexité financière qu’il aborde, et même relativement banal. Les personnages sont peu approfondis, et frôlent parfois le stéréotype. Paradoxalement, serait-on tenté d’écrire puisque jusqu’à présent Foster-réalisatrice aimait au contraire souligner leurs nuances de caractères.
Pourtant Money Monster n’est pas raté. Le divertissement tient ses promesses, en grande partie grâce aux acteurs mais aussi à une ironie grinçante qui surligne l’histoire et des séquences qui ne manquent pas de dérision. Ainsi, elle contourne habilement les codes du genre (la prise d’otages) lorsque le « criminel » (Jack O’Connell, évidemment épatant) est confronté par écrans interposés à sa petite amie. Nulle séquence émotion : la copine dérape en direct en l’insultant et l’humiliant.
Car Money Monster est tout autant la critique d’un système financier qui déraille et manipule les citoyens (il suffit d’un bon algorithme et de profiter de la vitesse et de l’opacité offertes par les photons et la fibre numérique) que celle du show médiatique. Le manque de recul, l’absence de questionnement, le profit du direct et de l’ego, le ricanement perpétuel sur des sujets dramatiques : le business est affaire de fric et d’impertinence perpétuelle.
A cela s’ajoute quelques ingrédients cocasses (la crème érectile par exemple) qui dérident dans une tragédie autour du Dieu Dollar. C’est panique dans la « TV Room » lorsque l’entertainment entraîne les (télé)spectateurs vers une possible mort en direct.
Rien de bien neuf, mais au moins Foster pointe bien la tyrannie d’un capitalisme cupide, qui se sert des citoyens comme de clients au casino : l’arnaque est toujours en défaveur de ceux qui misent. Malheureusement, le récit est moins convaincant et moins adroit quand il arrive au dénouement. La valeur d’une vie est cyniquement très injuste. Qui du présentateur bouffon, du candide délinquant ou du boss de la finance peut s’en sortir ? Qui est finalement protégé ou dénoncé par la Loi, défendu ou désapprouvé par le peuple ? Heureusement, la cinéaste ne quitte pas son propos cynique – finalement, ce fut un beau feuilleton « live » mais la vie continue - même si elle ne parvient pas forcément à nous remuer les tripes.
Certes Money Monster est vif, tendu. Entre culpabilité et cas de conscience, elle dénonce l’impact d’un « couac » informatique qui est avant tout un « crash » pour ceux qui le subissent. Cependant, si les moyens sont bien présents à l’écran, il manque un peu de subtilité pour en faire un grand film noir sur les effets d’un billet vert qui rend les puissants de plus en plus puissants et les pauvres proches de la révolte. Il manque une dimension sociale pour que ce film soit autre chose qu’une farce tragique et voyeuriste. Mais le regard affûté de la réalisatrice ne manque pas de nous rappeler que nous sommes tous complices de ce système qui continue de broyer des vies.
Vincy
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