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Personal Shopper
Sélection officielle - Compétition
France / sortie le 19.10.2016
ESPRIT FRAPPÉ
"Comment savoir si c'est un signe"
La nouvelle héroïne d'Olivier Assayas est une jeune femme en quête de sens, tiraillée entre l'univers ultra-matérialiste et artificiel de la mode et du paraître et une recherche plus spirituelle autour du visible et de l'invisible, du réel et de l'indicible. Incarnée à la perfection par une Kristen Stewart tout en intériorité, elle est à la fois vulnérable et audacieuse, perdue et en colère. Une jeune femme de son temps qui fait le grand écart entre nouvelles technologies et spiritisme, boutique Chanel et livres d'art abstrait. On sent en elle dès le départ un mélange de fêlure et de défi, mais surtout une solitude immense qui la pousse à se confier au premier venu sans arrière-pensée.
C'est parce que le personnage est aussi finement écrit qu'il est possible, et même passionnant, de le suivre dans tous les méandres du scénario, même les plus délicats. La contamination du récit par des éléments fantastiques, puis de plus en plus surnaturels, peut notamment paraître maladroite. Les fantômes qui rôdent, les verres qui volent, lorsqu'ils sont filmés frontalement, ont un petit quelque chose de cheap et ridicule. Le film interroge d'ailleurs la représentation des phénomènes paranormaux à l'écran. Car selon le point de vue où l'on se place, un verre qui vole peut aussi être terrifiant, comme en atteste le contrechamp sublime sur Kristen Stewart, tétanisée et au bout d'elle même, lancée dans un monologue d'une grande puissance dramatique.
Olivier Assayas s'amuse également du vieux fantasme humain de communiquer avec les esprits. Après un clin d'œil appuyé aux guéridons d'autrefois et au fameux spiritiste que fut Victor Hugo, il imagine la version 2.0 de la planche ouija : le SMS. Outre le fait que l'hypothèse n'est pas plus bête qu'autre chose, elle permet quelques idées amusantes de scénario. Il joue notamment sur le fait que recevoir des messages venant d'un expéditeur inconnu est à la fois mystérieux (d'où viennent-ils ?) et très commun. Cela fait aussi complètement partie de notre quotidien, et crée automatiquement avec l'interlocuteur une relation spécifique : l'héroïne se sent ainsi en confiance, répond malgré elle, est intriguée et excitée en même temps qu'inquiète. La conversation devient vite intime par textos, bien plus que dans une vraie conversation. Ce qui crée une sorte de jeu du chat et de la souris assez pervers.
Tout ne fonctionne pas forcément (les fantômes sont maladroits, les SMS peu visuels et répétitifs, certains détails du récit peu crédibles, comme l'héroïne en scooter avec des milliers d'euros de bijoux Cartier à la main), mais ce n'est pas l'essentiel. Car derrière ce vernis du film de genre, il y a un propos plus profond qui tire clairement le film vers le haut. Olivier Assayas joue en effet sur l'opposition entre le monde artificiel où évolue le personnage et ces mondes invisibles et cachés dont elle espère l'existence. Toutes les étapes "paranormales" semblent alors être là pour la guider dans sa quête du réel et de l'irréel.
Évidemment, le réalisateur est assez intelligent pour ne donner aucune réponse et laisser planer le doute sur toutes les questions qu'il soulève. Chacun voit aussi dans le film ce à quoi il croit, cartésiens comme mystiques. La mise en scène élégante évite par ailleurs les écueils de la série B tout en en assumant les codes et les références, voire un humour distancié dans certaines séquences volontairement démonstratives comme celle de l'ascenseur ou de la "maison hantée". Il livre ainsi un film plaisant et jamais ennuyeux qui n'est certes pas son plus abouti, mais probablement pas non plus son moins audacieux.
MpM
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