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Green Room
Quinzaine des réalisateurs - Compétition
USA / sortie le 27.04.2016
PANIC ROOM
Il y a pire que se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment : au mauvais endroit au mauvais moment et en plus au milieu des mauvaises personnes. Pour gagner quelques billets, quatre jeunes d’un groupe de punk arrivent dans un coin du fin fond de l’Oregon pour donner un concert où sont regroupés des dizaines de suprémacistes tendance néo-nazi : tant-pis si ce sont des skinheads, faisons le concert et soyons fous en jouant la reprise du titre 'Nazi Punks Fuck Off' pour les énerver et partons vite. On repasse par la loge récupérer des affaires mais il y a quelqu’un au sol avec du sang : le patron de l’endroit et ses sbires n’ont aucune envie de voir débarquer la police ni envie de revoir ces quatre témoins gênants. Les choses s’enveniment et les jeunes musiciens sont coincés enfermés dans une pièce...
Après Blue Ruin à Cannes en 2013 avec la vengeance d’un homme contre une famille, Jeremy Saulnier revient, à la Quinzaine, sur la Croisette avec ce Green Room : cette fois plus de stars au casting avec bien plus de violence, et toujours une certaine radicalité qui surprend. Ici il semble opposer deux catégories de personnages, soit des anti-fascistes et des néo-nazis. On se doute qu’il va y avoir conflit. Le réalisateur ne s’attardera pas sur un affrontement idéologique, il oppose deux forces en présence avec dès le départ un net déséquilibre : quatre jeunes musiciens qui n’ont absolument rien d’héroïque face à plusieurs dizaines de brutes violentes sans scrupules. Quand les premiers se retrouvent par hasard témoin d’un meurtre leur premier réflexe est d’alerter quelqu’un d’extérieur tandis que pour les autres leur première intention est de s’arranger pour que le moins de personnes possible soit au courant. Il s’agit d’abord d’un conflit d’intérêts avec lequel il serait possible de négocier, mais tout va empirer vers une bataille sanglante. Green Room est un film de genre 'survival' qui joue avec une situation d’état de siège : ennemis tout autour bien plus nombreux et armés, et aucune échappatoire possible sans victimes.
"Vous êtes piégés, ce n’est pas une menace mais un fait."
Avec ce nouveau film Jeremy Saulnier s’éloigne un peu du cinéma indépendant américain pour faire du cinéma américain en toute indépendance : un peu plus de budget, quelques stars au générique (Patrick Stewart, Anton Yelchin, Imogen Poots...), mais toujours une histoire originale très différentes des films produits par les grands studios. Avec son précédent Blue ruin et ce nouveau Green Room il suit un cheminement d’ailleurs emprunté par d’autres cinéastes de sa génération : Jeff Nichols (Shotgun stories puis Take shelter), Jim Mickle (We are what we are puis Juillet de sang), David Robert Mitchell (The myth of the american sleepover puis It follows), d’ailleurs tous passés dans une section parallèle du festival de Cannes. Loin des métropoles comme Los Angeles ou New-York, ces films s’intéressent à l’Amérique du milieu comme le Mississipi ou l’Oregon, là où les personnages sont plutôt débarrassés de certains stéréotypes hollywoodiens.
"Ça va mal finir"
Dans Green Room les quatre post-adolescents punk-rockers aiment jouer leur musique mais sans être complètement dans l’esprit libertaire qui va souvent avec (certains confesseront leur envie de gagner de l’argent et même aimer la pop de Madonna). Le piège duquel ils devront tenter de sortir ne révélera pas en eux des comportements surhumains. Parmi la bande de néo-nazis il y aura des profils très variés, un chef autoritaire et des sbires dévoués mais aussi quelques uns qui trouvent là l’occasion d’exulter leurs pulsions bestiales et d’autres qui doutent des conséquences de leurs actes. Dans d’autres circonstances il y aurait eu une bagarre et chacun serait rentré chez soi, mais ici un enchaînement de causes à effets provoque une guerre. Le film est d’ailleurs généreux en séquences graphiques violentes avec un arsenal de quelques fusils mais aussi des tournevis, machettes, et chiens pitbulls. Les plus sensibles seront prévenus : dans d’autres films il y a des mises à mort amusantes, mais ici le sang gicle sans humour. C’est d’ailleurs ces différents excès de fureur, résultant de mauvaises décisions, qui font la surprise du film : le récit qui se déroule de manière de plus en plus oppressante va se révéler brutal.
Green Room place le spectateur face à une situation de huis-clos, le piégeant lui aussi dans une tension oppressante au coeur d'une spirale de violence. Quand un film de mauvais genre, éprouvant à voir, a le bon goût d’être réjouissant quand il se regarde.
Kristofy
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