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Nos souvenirs (La forêt des songes - The Sea of Trees)

Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 09.09.2015


INTO THE WOODS FOR LOVE





" Ne souffrez pas seul ! "

En égarant deux hommes au bout du rouleau dans la forêt des suicidés la plus célèbre du monde, Aokigahara, juste au nord du Fuji Yama au Japon, Gus Van Sant semblait vouloir réalise un deuxième volet à l’errance désertique de Gerry.
Malheureusement, après un début plein de promesses, le film se perd lui aussi entre cinéma hollywoodien formaté et épisode d’un Man vs Wild (Seul face à la nature) du Discovery Channel, façon Koh Lanta (avec un cadeau pour chaque étape passée victorieusement). On espérait un poème mystique, on se retrouve avec un mélodrame aussi pauvre et sans imagination que dépourvu d’émotion.

Cette Forêt des songes ne nous réconcilie pas avec un Gus Van Sant, qui, hormis Harvey Milk, n’a rien proposé de convainquant au cinéma. Là, il touche le fond. Et ce n’est pas la faute des comédiens à McConaughey et Watanabe habitent leurs personnages respectifs. Le principal coupable est bien Chris Sparling, le scénariste. Ce qui ne retire rien au réalisateur qui a accepté le script et validé le montage de cette œuvre qui vire au risible.

On s’en rend compte assez vite, au premier flash-back. Car, s’il ne s’agissait que d’un énième film de genre (survivre en milieu hostile, façon 127 heures et Seul au monde), La forêt des songes aurait sans doute été moins ridicule. Malheureusement après un quart d’heure à suivre ce citoyen américain, hagard, le regard ailleurs, prêt à mourir parmi des cadavres et des offrandes, le film nous renvoie aux Etats-Unis, avec l’histoire de son couple (Naomi Watts étant chargée d’assurer les séquences pathos). Le film alterne ainsi le manuel de survie avec une nature qui ne fait pas de cadeau et deux époux qui ne savent plus s’aimer.

Or, cette partie américaine nous arrache brutalement de cette Forêt (joliment filmée, mais autant voir un Weerastheakul ou un Kawase) et ne sert finalement qu’à créé un suspens artificiel : en effet, le retour en arrière explicatif et convenu intervient à chaque fois au moment où McConaughey est mal en point. Un principe du découpage souvent utilisé dans les BD (bas de page) ou les romans de gare (fin de chapitre) qui permet de maintenir l’attention et qui est censé faire tourner la page. Mais, pour notre plus grand malheur, il s’avère que ces flash-backs n’ont aucune utilité : ils sont même redondants lorsque cet égaré confie son histoire à son compagnon d’errance, au coin du feu. Pourquoi diable lui fournir un long monologue cathartique puisque le film a déjà illustré une grande partie de son discours ?

On y ajoute une musique omniprésente qui étouffe le silence contemplatif de la forêt et asphyxie les confessions intimes, des dialogues parfois affligeants, une tragédie de téléfilm et La forêt des songes se transforme en périple, certes périlleux, à travers un purgatoire (pour le spectateur).

Tant de fautes laissent songeur

Ce qui aurait pu être une jolie ballade entre la vie et la mort, coupée du monde et laissant l’esprit divaguer et méditer, entouré d’âmes et d’arbres devient finalement un parcours d’obstacles vers la rédemption. Dans ce labyrinthe végétal, où aucun chemin ne semble mener vers la sortie, on comprend vite que nous explorons finalement l’inconscient d’un homme dévasté par sa culpabilité. Et d’ailleurs, peu importe qui sauve l’autre, du Japonais ou de l’Américain, chacun étant la béquille de l’autre, puisque tout ceci n’est qu’un leurre servant à mettre à l’épreuve un homme qui ne veut pas mourir mais ne veut plus vivre.

Gus Van Sant aurait pu, à l'instar dans Gerry, réaliser une magnifique allégorie sur l’expiation : il se piège dans un drame ni surnaturel, ni original. Et la dernière partie du film va alors nous achever tandis que notre intérêt se dissipait déjà.

On ne sait pas quoi blâmer en premier : le folklore de pacotille qui se prend très au sérieux (" On dit qu’une fleur pousse là où une âme passe de l’autre côté "), les tourments infantiles d’un adulte qui ne se remet pas d’ignorer la saison, le livre et la couleur préférés de sa femme (et il l’apprendra de manière grotesque dans les trois cas), les références répétées plusieurs fois dans le film qui vont lui donner les solutions pour sortir de sa prison (la forêt comme la dépression), la séquence de 2 minutes où on nous refait le film (images et phrases clés à l’appui), la supercherie qui va sauver toute sa conscience et lui permettre d’être pardonné de ses erreurs et de trouver un réconfort intérieur.

Tout est attendu, assez prévisible, pour ne pas dire déjà vu. Malgré McConaughey et les belles images magnifiques de cette mer verte, La forêt des songes nous a perdu et on se désole qu’un cinéaste comme Van Sant ait suicidé son film en ne cherchant pas à le sauver.

vincy



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