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Love
Sélection officielle - Séances spéciales
France / sortie le 15.07.2015
L'AMOUR DURE DEUX ANS
A l’intérieur d’une chambre, un homme s’éveille. C’est un matin lumineux, avec sa femme à ses côtés, et son enfant qui vient les rejoindre. Un message sur son répondeur va assombrir cette matinée: la mère de son ex-compagne s’inquiète de la disparition de celle-ci. Cette alerte va réveiller en lui sa précédente histoire d’amour… Love est une plongée dans les souvenirs de Murphy qui avant de vivre avec la blonde Omi a vécu une autre passion amoureuse avec la brune Electra. Avec le son de son récit en voix-off, les images vont faire quelques allers-retours durant le temps de son histoire d’amour.
Avant Irreversible, Gaspar Noé voulait faire un film sur la passion amoureuse avec des grands sentiments, aussi bouillonnants que les corps. Il y avait déjà l’envie de filmer l’intime du cerveau autant que l’intimité des corps nus. Love est sans doute le film dont il rêvait, et qu’il a pu faire grâce à la confiance acquise lors du défi technique qu’était Enter the void. Gaspar Noé a voulu raconter autant une histoire d’amour fantasmée que la nature d’une histoire d’amour telle qu’elle devrait être montrée au cinéma selon lui : avec du sperme et des larmes.
"L’amour, comment quelque chose d’aussi beau peut faire tellement souffrir."
Love est un film unique qui ne ressemble à aucun autre film, sauf à un film de Gaspar Noé. Sa ‘patte’ est omniprésente, et son style de montage est immédiatement reconnaissable. Il n'hésite pas à s'autociter d’ailleurs : une radio parle de politique (l’extrême droite de Seul contre tous), un bibelot représentant la maquette du Love Hotel de Enter the void. Certains dialogues contiennent d’ailleurs des éléments de sa vie personnelle que ses aficionados reconnaîtront : Lucile, l'ayahuasca, Bangkok… Ces différents clins d’œil sont d’ailleurs une valeur ajoutée et renforce l’impression que certaines pensées sur l’état amoureux sont les siennes. Le narrateur Murphy est un américain à Paris qui veut devenir réalisateur de film : comme Gaspar qui originaire d’Argentine et a vécu à New-York avant d’arriver tout jeune en France. D’ailleurs Murphy dira même dans le film qu’il voudrait "faire un film avec du sexe qui montre des sentiments"
L'excès d’ego qui imprègne le film est évident: on y verra une galerie d’art du nom de Noé, un enfant du nom de Gaspar, l’apparition à l’écran de lui-même avec une perruque, et pire encore la présence aussi à l’image de son producteur Vincent Maraval dans un rôle de policier durant deux scènes improbables. Ces éléments font sourire comme une mauvaise blague pas très drôle, et surtout, ils ne sont qu'une distraction inutile qui perturbe presque l’implication du spectateur dans le récit des personnages principaux.
Ils sont trois inconnus : Karl Glusman (Murphy, un beau physique), Aomi Muyock (Electra, la brune incendiaire) et Klara Kristin (Omi, la blonde sensuelle). On les verra autant habillés que déshabillés, et d’ailleurs, dès la toute première image de Love, le ton est donné : Murphy et Electra sont nus sur un lit avec les doigts autour et dans le corps de l’autre…
"Etre amoureux est peut-être une illusion, mais pas l’amour."
Il y a donc plusieurs séquences à caractère sexuel, avec le plus souvent un couple, et parfois un trio, et même plus... La caméra s’attarde à plusieurs moments en gros plan sur les seins des femmes et sur le sexe de l’homme durant le plaisir. La notion d’images dites pornographiques restera à débattre, c’est avant tout et d’abord des images où on fait l’amour: c’est le sujet du film, qu'il soit physique, sexuel et bien entendu sentimental. Ce cheminement à travers les sentiments et la sexualité rappelle le dytique Nymphomaniac de Lars Von Trier.
Le film débute d’ailleurs par la présentation d’une cellule familiale classique avec un papa, une maman, un enfant. L’histoire qui sera racontée sera plutôt une réflexion sur la notion du couple : l’infidélité avouée ou pas avec d’autres personnes, être en couple à deux et y inclure parfois une troisième personne, le désir de faire un enfant, les relations interpersonnelles avant de baiser, etc. Il y aurait pu y avoir la crainte ou l’excitation (selon ceux qui ont détesté ou adoré ses films précédents) de voir Love comme une sorte de manuel des pratiques sexuelles, plus ou moins considérées comme déviantes : il n’en est rien, les personnages iront certes vers différentes expériences sexuelles mais celles-ci sont bien guidées par l’évolution de leur histoire d’amour avec ses hauts et ses bas.
Dans l’appartement de Murphy il y a plusieurs affiches de films, et elles n’ont évidement pas été choisie au hasard : Salo de Pier Paolo Pasolini, Freaks de Tod Browning, Taxi Driver de Martin Scorsese, Birth of a Nation de D. W. Griffith, et même un Frankenstein en 3D de Andy Warhol… : soit plusieurs films qui à leur époque, et même après, ont été vivement critiqués pour leur représentation de la violence ou de la nudité. Gaspar Noé est dans cette lignée de cinéastes qui veulent filmer sans se censurer, quitte à déranger ou à perturber le spectateur. Mais Love n'est qu'un jeu, parfois très drôle, parfois complaisant, (la boîte échangiste, le travesti), où quelques digressions rallongent inutilement la sauce, même si leur beauté est saisissante.
Ici, l’amour est filmé de manière sensuelle, frontale, intime. Une vérité mise à nue, parfois avec des dialogues naïfs, mais toujours avec un regard attendrissant. Gaspar Noé, en bon hétéro, voulait que Love fasse "bander les mecs et pleurer les filles". Mais pourquoi tant de clichés puisque Love fait plutôt bander les filles et pleurer les mecs.
kristofy
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