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Mad Max: Fury Road
Sélection officielle - Hors compétition
USA / sortie le 14.05.2015
LA CHEVAUCHÉE SAUVAGE
«- Qui est le plus fou ? Moi ou tous les autres ? »
30 ans après, Mad Max revient sur les grands écrans. Du film de genre qu’il était aux origines, il s’est transformé, film après film, en machine de guerre héroïque au service de Mel Gibson, alors en pleine ascension.
En voulant ressusciter sa franchise et son personnage culte, George Miller s’exposait à un risque (décevoir les fans) et à des attentes (toujours trop fortes). Il ne décevra sans doute pas les fans, mais Mad Max Fury Road ne satisfait pas complètement nos attentes.
Western moderne, ce quatrième opus mixe des airs connus plus qu’il ne réinvente le genre, à l’instar des mythes invoqués, mélangeant Japon et Vikings, des vestales et autres clichés de séries B. Dans ces territoires désolés, où les cowboys et les indiens sont remplacés par des tyrans et des bikers, un décor de rouille, de gasoil et de machines rafistolées est partagé par des clans disposant chacun d’une richesse : pétrole, armes, eau, …
Le monde apocalyptique qui nous est présenté n’a rien de joyeux : miséreux asservis par des despotes, corps malades à moitié en vie dépendants de rares individus sains, guerriers répugnants, enfants exploités, et tous à peu près dégénérés… Cependant, et c’est le premier écueil du film, c’est du déjà vu (du cinéma sud-coréen au deuxième Indiana Jones, les références sont nombreuses). Miller, écologiste notoire, n’en profite même pas pour glisser une critique sur les erreurs de l’Homme ou un quelconque message environnementaliste.
C’est d’ailleurs le plus gros « stop stick » dans le pneu du camion-citerne lancé à toute allure à la manière d’un Transperceneige des sables : le scénario ne dispose d’aucune sous-couche, d’aucun second-degré, ni même d’un autre niveau de lecture. C’est « basiquement » de l’action (et de la musique). Tout se résume à « une querelle familiale ». Même les personnages n’intéressent pas réellement le réalisateur. Chacun joue une fonction (productive), un rôle (complémentaire), qui ne va pas au delà du binaire. Jusqu’à évacuer des explications sur les motifs de Furiosa et de Max. On l’aura compris : il faut adhérer d’entrer à la mécanique du film, peu importe l’essence, tant que moteur tourne.
Very Fast et Bloody Furious
Et pour ça il tourne. A fond la caisse. Même si à certains moments, la machine s’enlise brièvement, même si, sur la fin, la surenchère ne compense pas une certaine lassitude liée à la répétitivité des séquences, même si le final est gâché par une mièvrerie étonnante, et même si (on fait dans l’anaphore, le film en est une, d’une certaine manière) la violence est raisonnable (et encore une fois loin de la brutalité ou du sadisme procurés dans d’autres films venus d’Asie), Mad Max Fury Road est « very fast et bloody furious ». De l’hémoglobine (stylisée) et de la bagnole (en tous genres, et de toutes les époques) : « Et on me prend quoi encore ? Après mon sang, ma voiture ? » synthétise un Max plutôt en retenue...
Tom Hardy n’est pas Mel Gibson. Avec son masque de fer, il revient à son personnage de Bane dans The Dark Knight Rises pour se libérer et devenir un héros hanté par ses remords et victime d’hallucination. Il n’a pas la démence de Gibson. Il est plutôt le mercenaire qui vient au secours des vierges et pondeuses de gamins sains.
Mais il fait le job. Et pendant deux heures, de courses-poursuites en combats divers, on est vissé au fauteuil. Esthétiquement, Miller réalise une œuvre alléchante, contrastant entre les sols poussiéreux jaunis et les nuits froides bleuies. Avec un guitariste rock énergisant les troupes, des perchistes et des lanceurs de flammes, cette charge héroïque a des airs de Cirque du soleil. Les deux premières (longues et trépidantes) séquences de bravoure fournissent de quoi insuffler de l’adrénaline au spectateur. Ça ne manque pas de nerfs ni d’énergie cette traversée des enfers. C’est du grand spectacle, où chaque image vaut son pesant de dollars. Un Opéra bouffon et baroque qui ne manque pas de souffle. Manque plus que Wagner et les Walkyries. Cette sophistication est accentuée par une mise en scène qui sait valoriser les espaces et les perspectives. C’est du pur rock n’ roll, au sens littéral de l’expression. Pourtant, la tonalité change de façon perceptible lorsque Max et Furiosa décident de s’allier (donc de se confier, instant vérité à la Besson) : la musique devient un peu plus symphonique, l’action moins épatante, et le déroulé vers le final plus prévisible.
Peu importe pourquoi le couple cherche la rédemption, peu importe pourquoi les esclaves font la révolution, l’essentiel est ailleurs : de la castagne, de la pyrotechnie, des duels motorisés au soleil…
Tout au long de ce périple ponctué de carnages réguliers, le film avance pied au plancher (malgré quelques ratés liés à des soucis de pression, d’huile et de pièces amochées) vers son but : la prise de pouvoir par les femmes. Car Mad Max n’est qu’un « lonesome cowboy » (sans son Jolly Jumper) qui ne demande rien si ce n’est aider sa prochaine : Fury Road est un blockbuster féministe, conquis par des Amazones qui n’hésitent plus à éjecter les mâles de leur piédestal, les laissant moisir dans leur testostérone. We don’t need another Heroin.
vincy
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