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Dheepan, l'homme qui n'aimait pas la guerre
Sélection officielle - Compétition
France / sortie le 26.08.2015
JE SUIS (TOUJOURS) UN SOLDAT
«- Fais moi un bisou comme tout le monde.»
Qu’est-il arrivé à Jacques Audiard ? Dheepan est une œuvre moins complexe et moins ample que les films qu’il a réalisé depuis Sur mes lèvres. Librement inspiré des Lettres persanes, Montesquieu doit se retourner dans sa tombe. Entre la sociologie à la Emmanuel Todd (version 2015) et le discours caricatural sur l’immigration à la Alain Finkielkraut (version 2014), Dheepan accumule les clichés, les stéréotypes et les poncifs. Œuvre qui se cherchait une veine humaniste, elle en devient méprisante et choquante, réactionnaire et presque xénophobe. Pur produit de son époque, sans aucune distance critique, le film n’est rien d’autre que le discours vicié et nauséabond qui justifie les théories paranoïaques et populistes dans l’air du temps. Audiard semble avoir adhérer à cette vision de la France où l’immigré est indésirable parce qu’il est la source de tous les problèmes, et notamment d’une violence qui empêche le vivre-ensemble.
Et l’épilogue mièvre dans une Angleterre idyllique (qui peut le croire en étant un minimum informé ?) enfonce le clou de ce film assez détestable.
On veut bien croire que tout n’est pas rose pour un clandestin, Tamoul ou autre, pour un jeune de « banlieue » et dans une cité sensible. Mais de là à charger la barque pour en faire une No Go Zone, à l’image de la propagande de certains médias américains, il y aurait pu avoir un peu plus de place pour la nuance, ou même un semblant de dialectique subtile.
Pour le coup, le réalisateur y va avec ses gros sabots. Même sa mise en scène paraît plate comparée à tous ses films précédents, usant de panoramique inutile, incapable de créer une tension dramatique lorsque son ancien combattant Tamoul, qui avait pourtant rendu les armes, se mue en nettoyeur (et pas au Kärcher) de la Cité, oubliant la gamine en cours de film, abusant de cadres désaxés qui vident l’écran, ne se compliquant pas la tâche avec des effets chromatiques et symboliques simplistes pour illustrer les pensées aliénantes de Dheepan ou l’enfer qu’il traverse…
Ce film de guerre, celle des gangs, celle des Tamouls, est d’une maladresse stupéfiante en refusant d’expliquer un quelconque contexte, rangeant les anciens à des oisifs qui se la coule douce pendant que leurs ados trafiquent et tuent en toute impunité. L’aspect social, en fait, ne l’intéresse pas, tout comme la question de l’intégration est bâclée et le regard sur la communauté Tamoul accessoire. Et ce n’est pas la « romance » de ce faux couple qui sauvera l’histoire.
Tout cela énerve et pire encore puisque Audiard, dans un même élan, rapproche la délinquance d’une Cité d’une lutte armée ethnique au Sri Lanka. C’est insultant. Cette chronique autour d’une famille composée par le hasard et par opportunisme est un leurre cinématographique. Comme son personnage principal, le cinéaste a cru à son histoire. Mais, sans ses comédiens, qui permettent une incarnation qui sonne juste, Dheepan ne serait qu’un film dogmatique justifiant la peur de l’autre, de l’étranger qui plus est. Et un bon étranger est un étranger mort, ou qui vit ailleurs. On en vomirait presque.
vincy
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