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Je suis un soldat
Certain Regard
France
ABATTOIR DOGS
«- Qu’est-ce que vous emporteriez sur une île déserte ?
- Un cadeau pour Vendredi.»
On connaissait les filières illégales de la viande en Belgique avec Bullhead, drame intense qui révéla Matthias Schoenaerts. Voici les filières clandestines des chiens dans le Nord de la France avec ce premier film de Laurent Larivière, Je suis un soldat, qui dévoile une Louise Bourgoin à mille lieux de ses rôles habituels.
Dans un monde définitivement trop sérieux, qui ne sait passe faire plaisir, où l’on passe son temps à compter l’argent (qu’on a ou pas), Sandrine, jeune trentenaire urbaine de son époque, se voit contrainte de revenir vivre chez sa mère (Anne Benoît, excellente), qui héberge déjà la sœur, son mari et leur petite fille. Au chômage, un peu naïve, toujours positive, parfois frivole pour profiter de la vie – un café en terrasse, un repas de Noël en mars, un bracelet en or pour l’anniversaire de sa mère – elle détonne dans son milieu. Maligne, bosseuse, mais aussi victime de sa générosité, piégée par son chômage, elle va être engagée par son oncle (Jean-Hugues Anglade, parfait dans toutes les nuances contradictoires de son personnage) pour tenir son chenil. Du drame social et familial, le film vire à l’exploration d’un monde souterrain, mafieux, dégueulasse, immoral et cupide. Une traite des animaux indécente, dégueulasse et révoltante, avec toutes ses clefs pour bien comprendre l’enfer de ces pauvres chiots importés d’Europe centrale, vendus avec des carnets de vaccinations truqués et où le cash se compte à quatre chiffres pour chaque transaction.
C’est là le premier mérite du film : un tableau très précis de ce circuit méconnu, parfaitement bien amené sous la forme de la fiction. Mais ce n’est pas la seule force de Je suis un soldat. La justesse d’écriture des personnages et l’ambiance inquiétante permanente qui soutient le film composent un film noir et réaliste qui rend l’issue incertaine. Hormis les quelques minutes à la fin, assez superflues, le cinéaste parvient à conduire son récit de manière efficace et fluide, tout en gardant constante la tonalité générale. Dans cette horreur canine, la maltraitance n’est pas qu’animale. Les humains souffrent aussi, et morflent même. Ils n’y arrivent pas. Manipulés par des petits chefs ou des beaux salauds, les humiliations sont continuelles pour ces êtres vulnérables qui ne sont pas « dominants ». Impeccable dans son rôle, Louise Bourgoin est sur le fil, entre sa capacité à prendre le pouvoir et sa faculté à se soumettre, au point de flirter avec la ligne rouge, la folie, ou même la mort.
Tranquillement et assurément, Laurent Larivière esquisse plusieurs issues de secours : douanes, meurtre, police, martyr, injustice… Mais on se doute bien que les chiens vont vouloir aussi se venger. A trop s’approcher des enfers, Cerbère sort les crocs et n’hésitera pas à amocher le confort précaire d’une famille ordinaire… C’est aussi saisissant que glaçant.
vincy
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