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Whiplash
Quinzaine des réalisateurs - Compétition
USA / sortie le 24.12.2014
AMERICAN DRUM
Whiplash est arrivé à Cannes dans la Quinzaine des Réalisateurs déjà auréolé d'un Grand Prix du Jury et d'un Prix du Public du Festival de Sundance. Un jeune batteur de jazz prometteur se rêve de devenir un musicien génial, il suit les cours d’un conservatoire prestigieux avec un prof tyrannique et cruel. Un Full Metal Jacket où la musique remplace les armes. L’apprentissage est particulièrement difficile. Il naît alors une relation masochiste entre le maître et l'élève pour que celui-ci atteigne la perfection à n'importe quel prix, au mépris de toute humanité... Black Swan mais avec des baguettes.
Le professeur qui s'exprime par jurons et insultes, qu’ils profèrent pour dominer ses élèves et asseoir son autorité qui est crainte, est avant tout un manipulateur particulièrement retors. Une des premières confrontations marquantes entre l'élève ambitieux et son prof sera de jouer un rythme calé sur le tempo indiqué, tout en se faisant reprocher à chaque tentative de manière violente d’être ‘out of tone’. Cela sera une première humiliation qui va lui donner la rage de persévérer.
Sa passion dévorante est d’ailleurs mal comprise au sein de sa famille pour qui marquer au football est par exemple plus significatif que de réussir un morceau.
Les oreilles déjà familières du jazz reconnaîtront les morceaux ‘whiplash’ de Hank Levy et ‘caravan’ de Duke Ellington, ainsi que les solos de batterie de Buddy Rich. L’instrument apparaît d'ailleurs comme très physique : on voit Andrew s’y épuiser jusqu'à en avoir les mains éraflées en sang. Le défi est autant de gagner sa place de titulaire face à deux autres batteurs que de réussir tant bien que mal sa partie lors des concours. Il s’agit de toute une progression émotionnelle où l’élève va devoir se dépasser sous l’influence du professeur qui semble s’évertuer à vouloir le briser. L’exemple de Charlie Parker revient plusieurs fois : lors d’un concert où il n’a pas été assez bon, il avait été humilié en recevant une cymbale à la tête, mais plus tard il est devenu le génial musicien connu sous le surnom de Bird (et un beau film réalisé par Clint Eastwood).
Du premier plan-séquence où l’image nous fait s’approcher de ce jeune à la batterie qui s’entraine à un rythme simple jusqu’à la dernière séquence (avec un montage fluide de nombreux plans) qui créé un climax, le film réussit l’exploit de nous faire ressentir la pratique de la musique. La première prouesse est de voir et d’entendre la musique qui prend vie à l’image avec des gros plans sur les doigts et les différents instruments. L’autre prouesse vient de l’interprétation des deux comédiens principaux J.K. Simmons en professeur sadique et surtout le jeune Miles Teller (la révélation de The Spectacular Now), véritable batteur depuis son adolescence.
Une séquence à suspense où il doit retrouver ses baguettes oubliées en dix minutes avant de jouer sur scène est particulièrement saisissante. Mais Chazelle prend moins de soin à rendre crédible son amourette, parenthèse sans chair, qui ne provoque qu'un vague dilemme entre son ambition et son aspiration. Son personnage va suivre le classique chemin de l’American Dream, qui comprend la facture à payer : une tonne de sacrifices, quitte à chuter pour mieux renaître.
Le visage de Miles Teller parfois en sueur et même en sang nous fait ressentir les moments où il est poussé dans ses derniers retranchements pour peut-être dépasser ses limites. Une longue scène finale - qui monte crescendo de manière spectaculaire - fera retenir le souffle des spectateurs et donner la note ultime du film : un feel-good movie surprenant qui ravit autant les yeux que les oreilles.
kristofy
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