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Le médecin de famille (Wakolda)
Certain Regard
Argentine / sortie le 06.11.2013
L’INCONNU DU LAC
Lucia Puenzo, cinéaste et écrivain, aime jouer avec le flou de nos consciences, les zones grises de nos questionnements. L’ambiguïté lui sert de tremplin pour démontrer que le monde n’est pas binaire. Le médecin de famille, adaptation de son roman Wakolda, persévère dans cette voie, celle de la génétique. Puenzo s’attarde là sur la manipulation des gènes, l’utopie de la perfection humaine, à partir d’un fait réel et même historique. L’exil des pontes scientifiques de l’Allemagne nazie en Amérique du sud et l’eugénisme se confrontent au milieu de nulle part.
Sans aucun doute, cette histoire est la plus accessible de sa jeune œuvre. Les mystérieuses imperfections des mensurations, la quête de l’idéal physique, la réflexion sur les limites de la science face aux jeux de la nature sont évidemment l’aspect le plus fascinant de son scénario. Il nous renvoie, comme un écho, à notre époque où l’ADN est devenu un instrument de tous les possibles.
Mais la cinéaste argentine insère ces questions dans un film aux frontières du thriller, avec enquête, suspens et final sous tension. Dans cette magnifique et montagneuse Patagonie, au bord d’un lac, elle dépeint une communauté soudée, mais perturbée par les étrangers qui hantent la clinique voisine. Entre secte et mystères, l’atmosphère inquiétante, et peu ensoleillée, le film impose une tonalité sombre, incarnée par un médecin inconnu au passé trouble.
Ce pourrait être plombant mais Puenzo a toujours apprécié les jeux d’ombres et de lumière. Cette dernière provient de sa passion pour la jeunesse, ces enfants qui passent à l’adolescence. Elle les aime « anormaux », avec leur anomalie, naturels et curieux. Puenzo refuse que les enfants soient des poupées, des projections parfaites pour des adultes imparfaits. Ce parallèle avec la production industrielle de poupées renvoie d’ailleurs à des films comme Chucky. Mais pas seulement. Ils sont la métaphore du monde que le savant prépare : des clones en guise d’humains.
On se laisser happer par l’Histoire mais, avant tout, on s’angoisse pour sa finalité. Entre chasse aux nazis et expérience scientifique à la Cronenberg, Le médecin de famille est un de ces films noir où le style singulier de l’auteure ne se compromet pas avec les facilités du genre, avec un formatage globalisé. En continuant à déclarer son amour pour les « Freaks », en prolongeant son envie de montrer la brutalité de notre civilisation face à un besoin d’humanité souvent déficient, Lucia Puenzo s’ouvre à un public élargit sans renier son cinéma. La marginalité n’est que la partie émergée d’un iceberg qui, dans les abysses, cache une collectivité terrifiante.
vincy
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