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Heli
Sélection officielle - Compétition
COKE STORY
"C'est l'inquisition !"
Avec Heli, Amat Escalante relance l'éternel débat sur la manière dont le cinéma doit traiter la violence. Frontalement, quitte � être tax� de complaisance ? Ou hors champ, avec le risque de la minimiser, ou de la réduire � un effet de suspense comme un autre ?
La réponse n'est évidemment pas la même selon d'o� l'on vient et de son vécu personnel. Elle n'est pas la même non plus selon les sujets et les styles cinématographiques. En fait, la réponse est forcément multiple. Inutile donc de chercher � trancher si la violence contenue dans Heli y est � un dosage acceptable. La violence n'a jamais � être acceptable.
Amat Escalante le prouve en décrivant une sociét� o� règne un climat de violence permanente et s'intéresse aux effets que cela induit sur ceux qui vivent l�, entre angoisse, résignation et passage � l'acte. Confrontés � une violence latente, puis � des actes terrifiants, les êtres se laissent peu � peu contaminer.
C'est peut-être ce que l'on peut reprocher � Escalante, cette vision quasi misérabiliste d'une humanit� qui retourne � l'état sauvage. L'ambiguït� de l'apaisement final laisse planer le doute sur la nature du regard qu'il pose sur cette expansion de la violence : fatalit� ou seul moyen de s'en sortir ?
Il ne faut pas compter sur le jeune cinéaste pour livrer une morale prête � penser. Plutôt que de juger, il témoigne avec la plus grande objectivit� possible de la réalit� de plus en plus douloureuse de son pays. L'intrigue et ses rebondissements sont en effet intimement ancrés dans une sociét� mexicaine malade de sa criminalit�. Ce que montre le film (les trafics, la torture, les exécutions pour l'exemple) est le reflet du contexte social de tout un pan du pays. C'est pourquoi il s'attache � laisser transparaître l'être humain cach� derrière le bourreau. Quitte � ce que les rôles s'inversent au cour du récit...
D'ailleurs, lorsque le cinéaste filme plein cadre une séance de règlement de comptes particulièrement forte, cela ne nous parle pas tant de la criminalit� que d'un pays entier en perte de repères. Plus que la torture elle-même, c'est en effet son contexte qui est � la fois fascinant et terrifiant : les enfants qui exécutent froidement un homme, d'autres qui filment ou observent comme ils regarderaient la tél�, la mère � la cuisine, l'absence totale d'empathie, la déconnexion du réel...
Avec un contenu aussi dense, pour ne pas sombrer dans un voyeurisme misérabiliste, il fallait tout le talent de réalisateur d'Escalante. Sa mise en scène dépouillée et sobre apporte ainsi une sécheresse visuelle et narrative qui ôte tout affect de son propos. Ni révolt�, ni fascin�, il aligne ses plans avec une précision documentaire. Peut-être trop, et on pourra lui reprocher une certaine froideur. De même qu'on pourra s'étonner de certaines incongruités (la femme policier qui montre ses seins, le char devant la maison) placées l� comme pour créer un contrepoint artificiel.
Pourtant, malgr� ses baisses de régimes ponctuelles, Heli est un témoignage percutant � la fois sur notre époque, sur la place du cinéma dans la narration d'une réalit� peu aimable, et dans notre propre rapport � la violence. Car, en tant que spectateur, lorsque l'on pousse un cri devant la mort d'un joli petit chien blanc, et que l'on reste de marbre devant celle du père de famille (comme c'est arriv� pendant la projection presse du film � Cannes), peut-être est-on moins � l'abri qu'on le pensait de ce climat de violence latent qui finit par tout justifier.
MpM
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