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La sirga
Quinzaine des réalisateurs - Compétition
Colombie / sortie le 24.04.2013
DANS LA MAISON
La sirga est une œuvre fragile qui conquiert le spectateur par sa volonté de ne rien lui imposer, sans pour autant s’inscrire dans cette (parfois insupportable) veine du cinéma latino-américain qui raconte le moins de choses possibles avec un cinéma documentaire épuré et dépouillé de tout événement notable. Ici, au contraire, le scénario repose à la fois sur un point de départ solide (la reconstruction d’une jeune fille en état de choc) et une ambiance extrêmement intense, presque toujours sur le point de craquer. Il faut juste être capable de déceler, dans des scènes courtes et elliptiques qui ne s’appesantissent sur rien, la progression discrète (et anxiogène) des intrigues parallèles.
Ainsi cette maison que les personnages prennent beaucoup de temps à réparer et embellir, et qui apparaît comme le personnage principal du film. Au centre du récit, bien que située dans ce qui paraît être le bout du monde, elle est tour à tour refuge, havre de paix, milieu hostile et même agresseur potentiel. On peut y voir le double symbolique de la jeune fille qui se reconstruit et celui, plus symbolique encore, d’un pays qui "prend l’eau" et souffre éternellement du spectre de la guerre et de la violence.
Dans ce cinéma d’observation ténu et subtil, chaque séquence fourmille de détails. On sent ainsi l’antagonisme ancestral entre l’homme et la nature, nature ambiguë et trouble qui tantôt lui apporte prospérité et nourriture, et tantôt se déchaîne contre lui et ses maigres possessions. C’est la grande roue du destin qui tourne. Le film, construit en boucle, peut alors se lire comme l'un des nombreux cycles d’une histoire se répétant à l’infini.
William Vega fait ainsi le portrait d’un lieu et d’une époque bien plus qu’il ne raconte l’histoire d’un personnage en particulier. D’où ce cinéma de sensations vives et d’impressions durables, qui prend le temps de rendre palpables au spectateur les contours d’une certaine réalité colombienne aux accents plus universels qu'il n'y paraît.
MpM
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