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No

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
Chili / sortie le 06.03.2013


UN GRAND OUI





Pablo Larrain, cinéaste connu pour des longs-métrage tels que Postmortem et Tony Manero peuplés de personnages plutôt sombres, nous présente cette fois-ci un film haut-en-couleur puissant et engag� non dénu� d’humour subversif dans un contexte familier et fiévreux d’une campagne électorale médiatisée. Une chronique historique au matériau solide et sans concession fortement réaliste et dynamisante même si derrière l’espoir insuffl� demeure un fond pessimiste. Le réalisateur attache manifestement une importance particulière � montrer les rouages d’une politique et d’un monde oppressant et impitoyable, certes dans une narration rythmée mais jamais idéalisée et s’efforçant d’être toujours juste en trouvant le ton qui convient � ce récit engag�, singulier et définitivement dénu� de toute opposition politique simpliste.

Entre les lignes de front.

A une époque politique complexe que le film dépeint avec beaucoup de probit� et d’intelligence et en contraste avec aujourd’hui o� la publicit� est davantage assimilée � une forme de tyrannie des images, ici la publicit� est ad contrario porteuse d’espoir et de promesse.
L’antagonisme propos� par le film peut paraître surprenant dans la mesure o� celles-ci se mettent au service d’une résistance qui n’est pas l’enjeu du film puisque la destitution imminente de Pinochet est annoncée dès le début lors de la contextualisation. Ce qui constitue le motif du film c’est le mécanisme de renversement.
Le pouvoir des images est donc ici mis au service de la volont� d’une libération. Celle-ci est perceptible dans le personnage de Ren� Saavedra incarn� par Gaël Garcia Bernal que l’on découvre sous une autre facette, tout en subtilit�, dot� d’un tempérament volontaire et arriviste tout en apparaissant immédiatement aux antipodes de la politique répressive de Pinochet avec son allure branchée, son énergie fraîche, vive et subversive de jeune publicitaire engag� se déplaçant en skateboard. Il y a d’ailleurs quelque chose de très beau dans la mutation de ce personnage qui se retrouve au cœur de cet engagement et se laisse peu � peu pénétrer par les enjeux � l’œuvre au point de se retrouver dans une posture vulnérable.
Enfin, l� o� l’on peut saluer le film c’est pour la finesse de son propos politique, chose rare au cinéma qui se contente souvent de faire des films politiques une affaire de bien et de mal sans apporter les nuances nécessaires. Ici Pablo Larrain nous invite � réfléchir au-del� des notions de dictature et de démocratie en ne les opposant pas frontalement mais nous montrant plutôt le déroulement des échanges entre les principaux médiateurs et les rouages complexes de la campagne depuis l’intérieur de celle-ci.

Le grand No affirmateur.

Ici ce n’est pas l’affirmation qui est au service d’une éthique de la joie mais c’est au contraire la négation qui refuse la politique d’austérit� � l’œuvre et transmet l’énergie nécessaire � la résistance.
Le symbole de l’arc-en-ciel vient supprimer la valeur péjorative de la négation comme refus et les valeurs se trouvent ainsi inversées, c’est le renversement du oui (le plébiscite de Pinochet) en non (pour la libert� et contre la dictature) résultat d’une stratégie de communication fine et malicieuse.
L’enjeu est ici de transformer la négation en grande affirmation de la joie de l’existence au-del� de ses afflictions et bassesses. Ainsi ce No est haut en couleur, c’est un Oui déguis� qui prône l’importance de l’engagement et de la capacit� � ne pas être lâche sans compter l’importance du rire, le film a ainsi une résonance éthique quasi nietzschéenne.
C’est aussi l’importance des mots qui nous est montr� au travers des images, ceux-ci pouvant devenir de la dynamite si on les charge de significations. Illustration parfaite qui fonctionne � merveille dans le récit et donne � voir comment un slogan de deux lettres peut transformer les esprits si on le remplit de sens par une stratégie médiatique soigneusement élaborée. D'autant plus que celle-ci s'avère assez jouissive dans cette volont� affichée de mettre au défi l’intelligence de l’autre en court-circuitant ses plans de l’intérieur avec un certain sens de l’ironie délicieux.

Mise en abyme engagée.

Un des autres points qui contribuent � faire de No un film fort tient incontestablement � ses choix mise en scène et techniques o� l’esthétique du clip publicitaire des années 80 se confond avec le film renforçant ce sentiment de réalisme au niveau de la forme, ainsi idéal et réalit� se confondent, posant la question de l’engagement qui prend une résonnance actuelle.
D’autant plus que le procéd� filmique utilis� est relay� par une caméra d’époque, la même qu'utilisaient les publicitaires de l'époque, dans un format 4/3, ce qui permet de retrouver un contexte authentique ainsi qu’une très plaisante esthétique vintage qui ajoute � l’aspect réaliste de l’histoire. Enfin, le réalisateur utilise quelques images d’époque lors de la contextualisation de son film qui vient encore renforcer cet effet.
En demeure un sentiment de véritable plongée dans une époque au travers de l’imagerie visuelle des années 80 jusque dans les couleurs et la texture des images, et celui d’un véritable enthousiasme naissant au sein d’un groupe, accompagn� d’une réflexion sur l’engagement tout aussi importante, qui conserve néanmoins une part de gravit� nécessaire vu le sujet de fond trait�.

Jules



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