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Elefante Blanco
Certain Regard
Argentine / sortie le 20.02.2013
TROUPE DÉLITÉE
"- Nous voulons la paix.
- C’est beaucoup demander."
Après un splendide portrait de femme (Leonera) et une histoire d’amour particulièrement atypique (Carancho), qui tous deux dessinaient en creux une certaine réalité sociale argentine, Pablo Trapero revient avec un sujet à nouveau ancré dans son époque comme dans son pays. Dans le décor labyrinthique du "bidonville de la vierge", situé dans la banlieue de Buenos Aires, jeunes désœuvrés, narco-trafiquants, prêtres missionnaires et travailleurs sociaux se croisent et se côtoient entre deux descentes (musclées) de police. La gigantesque structure d’un hôpital jamais achevé (le fameux "éléphant blanc" du titre) semble veiller avec une certaine ironie sur tout ce petit monde.
Toujours dans une veine très naturaliste, mise en scène fluide et caméra très mobile, le cinéaste capte sur le vif le quotidien de ce microcosme fascinant dont on découvre les règles et les codes en même temps que le personnage principal, le prêtre missionnaire Nicolas. Deux réalités se confrontent sous le regard du spectateur : celle, sombre et violente, d’une cité d’exclus et de misère, et l’autre, plus positive, du combat altruiste et acharné d’une poignée d’hommes et de femmes de bonne volonté, soucieux de sauver ce qui peut l’être. Car les personnages principaux ont depuis longtemps cessé d’être idéalistes, à l’exception de Nicolas, pas encore résigné à sa marge de manœuvre ultra-limitée entre la toute puissance des trafiquants, la brutalité aveugle des forces de l’ordre et l’hypocrisie de l’Eglise, et qui en fera au cours du film l’amère expérience.
Le tableau n’est pas joyeux, mais il est d’une efficacité redoutable, mêlant la force d’un propos universel à la sentimentalité de destins particuliers. Trapero concède en effet quelques facilités scénaristiques pour mieux enrober son récit. Ce faisant, il livre un drame à plusieurs niveaux (le doute personnel du prêtre, la question plus générale de la foi, les difficultés d’agir utilement au cœur du bidonville…) et sans doute est-ce trop pour un même film. D’autant que toute une partie du récit (l’histoire d’amour entre Nicolas et Luciana) semble particulièrement téléphonée, tandis qu’une autre (l’enquête sur les miracles) arrive carrément comme un éléphant dans un jeu de quilles.
De quoi donner un vif sentiment d’incohérence et d’inabouti, comme si le réalisateur s’était laissé déborder par son sujet. Peut-être trop soucieux d’éviter une partie des écueils inhérents au milieu qu’il filme (notamment le misérabilisme et son pendant naïf, l’angélisme), Pablo Trapero a perdu de vue l’essence de son cinéma (nerveux, intense, urgent) pour se perdre dans des chemins de traverse en forme de cul-de-sac un peu lénifiant.
MpM
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