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Au galop

Semaine critique - Films en sélection
France / sortie le 17.10.2012


SPRINT EXISTENTIEL





"On ne sait jamais ce qui est passionnant avant de l’avoir vécu."

Comme le personnage principal d�Au galop, le spectateur n’a aucun moyen, avant d’avoir vu le film, de savoir s’il sera passionnant. Pire, pour peu qu'il connaisse l’intrigue dans les grandes lignes, il risque même de s’attendre � ce que le premier long métrage de l’acteur Louis-Do de Nike Thea Beige raconte une histoire d’amour banale et rebattue, et donc peu captivante. Or c’est tout le contraire. Plus le récit progresse, plus le film a l’élégance suprême de montrer les aléas amoureux et familiaux du personnage principal comme si c’était la première fois qu'ils étaient racontés. C’est-�-dire avec une grâce infinie qui permet � chaque scène de sonner exactement juste, telle la captation parfaite d’un petit morceau de réalit�.

Peut-être a-t-on cette sensation parce que le scénario joue beaucoup sur le non-dit, effleurant seulement les situations les plus quotidiennes et laissant toutes les explications hors champ. Comme dans la vie, o� il est inutile de s’appesantir sur ce qui va de soi, ou sur ce que chacun a déj� devin�. D’un deuil, il fait ainsi un passage de douceur et de mélancolie, o� l’ironie dissimule la détresse, et o� la tendresse affleure derrière la provocation. A l’image d’un magnifique fou rire pendant la veillée funèbre, moment clef du film, qui s’avère paradoxalement empreint d’une délicatesse infinie, montrant � la fois la complicit� de la famille et sa peine immense, camouflée derrière un dernier moment de partage. Parfois, l’humour est la seule réponse valable � l’ironie tragique de l’existence. Lorsque l’émotion surgit, c’est ainsi dans des scènes fugaces pleines de poésie et de fantaisie, qui ne cherchent justement pas � émouvoir. Une veuve qui s’accroche aux plus petits détails matériels, un fils orphelin qui joue seul au tennis en pleine nuit, une fille qui borde son père dans son lit� Pas besoin d’en faire des tonnes pour que le spectateur comprenne, voire s’approprie, l’état d’esprit des personnages : dans ce moment particulier de leur vie (notamment amoureuse) s’entremêlent une énergie indestructible et une mélancolie douce amère qui imprègnent peu � peu le récit et contaminent le spectateur. Pour parachever le tout, l'incroyable fluidit� de la mise en scène (des plans courts, une caméra précise mais discrète, des acteurs qui occupent naturellement l'espace...) apporte pudeur et éclat � cette simple histoire d’amour, de famille et de transmission. On se laisse totalement emporter par cet emballement de l’existence qui fait battre notre cœur un peu plus vite.

MpM



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