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Le magasin des suicides
Sélection officielle - Séances spéciales
France / sortie le 26.09.2012
LA PETITE BOUTIQUE DES HORREURS
"Si on se donne la mort, la mort n'est pas douée"
Grand amateur de BD, ancien auteur du 9e art, Patrice Leconte revient à ses premières amours : le dessin. Ici, animé. Le temps d'une parenthèse entre deux fictions, il signe un film d'animation fantaisiste inspiré d'un roman joyeusement morbide de Jean Teulé. L'adaptation de ce roman à succès opte pour le choix artistique d'une animation singulière, porté par une histoire visant davantage les adultes que les enfants. Quoique. Leconte a également voulu plaire aux enfants en abusant d'artifices pour leur vendre ses bonbons.
Cela entraîne un grave souci d'atmosphère générale où cohabitent des personnages plus cafardeux, grisâtres, déprimés et d'autres, plus rares, altruistes et heureux. Des parents terribles (indignes même) exaspérés par un gamin enthousiasmé par la vie (une très bonne idée à la base). Hélas, dans cet univers terriblement mélancolique, où même les pigeons se suicident, le plaisir du spectateur se perd en s'égarant dans des chansons déphasées - pour ne pas dire inutiles - et un scénario un peu roboratif.
On peut d'ailleurs rester circonspect quant au choix d'en faire un film musical dans ces ruelles sinistres qui ne trouvent pour seule source lumineuse qu'un magasin vendant potions, poisons, armes et autres accessoires en tous genres accélérant la rencontre avec la mort. Les musiques frôlent ainsi parfois l'inaudible ou le risible (la scène chez le psy, épuisante au possible) même si certaines (la chanson des amants ou celle des enfants dans le bus) se révèlent charmantes et harmonieuses.
Le long-métrage devient ainsi d'une inefficacité inégale avec la cacophonie éreintante de sa bande son et les beuglements interminables qui contrastent avec le silence d'une société névrosée et malade. Certes, quelques touches d'humour, de pincées de parodies (La cité du rire remplace La cité de la peur) et d'autocitations parcemées viennent ponctuer cette histoire trop prévisible et lisse, presque factice. L'audace, le film n'en manque pourtant pas en tuant dès le début un personnage que l'on suivait depuis quelques minutes, avec en écho un "Y'a de la joie" aussi incongru que cynique. A l'inverse, il tente maladroitement la subversion avec des nichons opulents (notons que les femmes sont voluptueuses et les hommes gringalets) ou une clope dans la bouche d'un gosse. De sa devise, la crise est la cause d'une mort exquise, il n'en ressort aucun message autre que celui de la conclusion. L'hymne final optimiste, rendant l'ensemble bancal, nous renvoie à l'univers de Burton peuplé de personnages proches des Razmokets.
Par conséquent, Leconte ne nous convainc pas complètement. Son schéma consistant à inverser tout le système sociétal et le vocabulaire employé, comme si tout dès là naissance n'avait pour but que la mort, tourne rapidement en rond: sa noirceur est ainsi édulcorée par ces danses macabres, notamment celle où les morts reviennent pour célébrer la vie.
Bien sûr, la 3D apporte un bénéfice dans chaque plans usant d'une profondeur de champ assez remarquable en plus de recéler d'une foule de détails aux seconds plans. La direction artistique est maîtrisée. Mais il y a trop d'ingrédients qui plombent le goût et ne nous permet pas de savoir s'il s'agit d'un film amer (pour les adultes) ou acidulé (pour les plus jeunes). Le héros enjoué (tout droit sorti de La guerre des boutons) et l'hymne final optimiste pourraient même nous faire croire à un film transgénérationnel.
Au-delà de l'impression générale - un film mignon, un peu ennuyeux, divertissant - on ne parvient toujours pas à définir la saveur de cette comédie macabre heureuse, sorte de guimauve exaltée par quelques petits acides qui picotent le palais.
mathieu
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