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La chasse (Jagten)
Sélection officielle - Compétition
Danemark
CONTAGION
"Moi, je crois les enfants. Ils n'inventent pas."
Thomas Vinterberg s'est fait connaître avec un long métrage édifiant, Festen, où le tabou de l'inceste était brutalement mis sur le tapis au cours d'une fête de famille. Presque quinze ans plus tard, il aborde une question similaire, celle de la pédophilie, mais sous l'angle inverse d'un homme accusé à tort. Les deux films se répondent d'autant plus que le second semble accompagner les changements opérés dans la société. Après des années de silence et d'hypocrisie, la question des abus sexuels envers les enfants est en effet devenue si prégnante qu'elle conduit régulièrement à de fausses accusations. Tout plutôt que de risquer de laisser faire. Mais dans un cas comme dans l'autre, montre le cinéaste, les dégâts sont irréparables.
Pour le prouver, Vintenberg procède à une analyse clinique du phénomène. En quelques scènes courtes et intenses, il pose la situation de départ, puis les paroles ambiguës de l'enfant, les suggestions partiales des adultes (notamment les questions fermées du psy qui orientent largement les réponses de la "victime"), et enfin le refus catégorique d'entendre les failles dans le raisonnement de l'enfant, ou d'écouter ses dénégations tardives. De cette manière, la petite communauté passe presque instantanément du conditionnel à l'affirmation pure et dure. Dès lors, les certitudes s'auto-alimentent, même en l'absence concrète de preuves, même en la présence d'un doute raisonnable.
L'intelligence du film est de laisser l'enquête judiciaire hors champ pour se concentrer sur le simple ressenti des protagonistes. En évacuant le seul élément rationnel de l'affaire (preuves, témoignages, expertises...), Vintenberg montre ainsi que les conclusions de la justice importent peu. Une fois le mécanisme de l'opprobre et de l'avanie enclenché, la chasse aux sorcières est ouverte. On assiste alors à une gradation insupportable de la violence verbale, psychologique et même physique à laquelle est soumis l'accusé.
A ce titre, The hunt est dérangeant et peu aimable parce qu'il n'hésite pas à montrer les facettes les moins glorieuses de la nature humaine. En effet, les villageois imbus de leur bonne conscience, une bonne conscience qui les dispense de réfléchir, se croient autorisés à se faire justice non seulement en molestant et en humiliant l'accusé par tous les moyens, mais également en s'en prenant à sa famille. Or un tel comportement serait tout aussi inqualifiable si des doutes subsistaient sur la culpabilité du personnage principal... Magistralement interprété par un Mads Mikkelsen bouleversant, Lucas devient alors une sorte de bouc émissaire sacrificiel livré à la vindicte collective.
Le seul bémol à la réussite du film réside dans la dernière partie du récit, qui s'autorise des passages plus faciles, notamment lors de la soirée de Noël. Toutefois, ce serait une erreur de prendre l'épilogue pour un happy-end. On retrouve au contraire toute la perspicacité perverse de Vintenberg dans le fait de montrer une société faussement apaisée, hypocritement réunie, et communiant secrètement dans une suspicion qu'elle pense légitime. Non seulement il restera toujours une trace indélébile des soupçons à l'encontre de Lucas, mais en plus aucun de ceux qui l'ont trahi ou maltraité n'en éprouve le moindre remord. Face à cette vision glaçante d'une société qui, quoi qu'elle fasse, se pense dans son bon droit, on ne sait plus trop si The hunt est une mise en garde pour l'avenir ou la métaphore de notre présent bien-pensant.
MpM
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