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Paradis : Amour (Paradies : Liebe)
Sélection officielle - Compétition
Autriche
SEA, SEX AND PENSUM
"Le mien est très grand. De partout."
En se penchant sur le phénomène du tourisme sexuel, Ulrich Seidl poursuit son exploration des rapports de force qui régissent la sociét� contemporaine. Après l'esclavage moderne des jeunes femmes de l'est, il décortique le comportement de femmes mûres en vacances au Kenya. Premier constat, sous le regard du réalisateur autrichien, les hommes ne sont guère mieux lotis que les femmes et deviennent des objets sexuels corvéables � merci. Ici, l'identit� sexuelle du domin� ne compte pas tant que de la capacit� de son interlocuteur � devenir un dominant. Voire pire.
Ainsi, le personnage central du film apprend vite � affirmer son autorit� : d'abord timide et mal � l'aise, Teresa devient de plus en plus directive au fil des rencontres. Dans de longues scènes filmées en plan fixe, elle enseigne � son jeune partenaire le meilleur moyen de la caresser ou de l'embrasser, s'avérant un professeur � la fois exigeant et difficile � contenter.
Il se mêle � cette exploitation insupportable un vieux fond de racisme qui semble tout justifier. Les touristes en chaleur se conduisent ainsi parce qu'elles en ont le pouvoir social (elles sont riches et âgées face � de jeunes hommes pauvres), mais également parce qu'elles considèrent leurs victimes au mieux comme des enfants � éduquer, au pire comme des "sauvages" � dompter. La domination sociale et sexuelle est ainsi indissociable d'un néocolonialisme hypocrite et décomplex�. Pour bien nous en convaincre, Seidl filme des conversations dignes d'un autre temps ("ils se ressemblent tous", soupire l'héroïne en découvrant les Kenyans) et des comportements qui rappellent ceux des négriers (en rencontrant l'amant d'une autre femme, elle s'extasie sur ses muscles et ses dents).
Si la première partie du film joue sur un humour presque burlesque, faisant passer la voyageuse pour une femme un peu sotte mais sympathique, la seconde transforme cette légèret� en sentiment d'abjection et de révolte. Comme précédemment chez Seidl, cette prise de conscience du spectateur ne peut passer que par une succession de scènes
d'humiliation étirées jusqu'� la nausée. La gradation dans cette humiliation (d'abord naïve et maternelle, jusqu'� devenir cruelle et violente) permet d'interpeller les esprits sur la déliquescence d'une sociét� qui tolère de telles pratiques, sur la misère affective de celles qui les exercent, et sur le degr� d'acceptation de ceux qui les subissent. A l'écran, on ne voit ainsi aucun homme tenter de se rebeller, comme si, � ce stade de leur vie, ce mode de fonctionnement était le seul possible. De même, les touristes autrichiennes semblent se venger le temps des vacances de toutes les humiliations et déconvenues subies dans leur vie de tous les jours. On est forcément dans une sorte de caricature qui fragilise le propos du film.
D'ailleurs, les choix radicaux de mise en scène de Seidl, qui ne va pas aussi loin que dans Import Export, mais n'épargne quand même guère le spectateur, posent finalement la question de la complaisance et du voyeurisme au cinéma, de leur impact, et de leurs conséquences. Face � un film comme Paradies : Liebe, en plus d'être mal � l'aise, on se sent en effet démuni, et au final manipul�. Le secret d'une vraie grande œuvre engagée comme le cinéaste semble rêver d'en faire une, serait d'obtenir la même sensation de choc et d'horreur sans avoir � être si démonstratif.
MpM
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