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Moonrise Kingdom
Sélection officielle - Ouverture
USA / projeté le 16.05.2012 / sortie le 16.05.2012
LE TEMPS DE L'AMOUR
"- Pour me rafraîchir, je me mets des feuilles sur la tête.
- Tu pourrais aussi enlever ta toque en fourrure."
Moonrise kingdom ressemble aux récits d'aventures de notre enfance, où l'héroïsme et la noblesse contrebalançaient la légéreté de situations rocambolesques par une gravité toute chevaleresque. Ici, il est question d'amour impossible, d'adultes malheureux, de famille dysfonctionnelle et de la menace d'un avenir sombre. Mais il y a également la force des sentiments, qui transcendent tout, la solidarité, et surtout un humour dévastateur qui transforme chaque scène en fantaisie burlesque et décalée. Incontestablement, le ton Wes Anderson est là, qui donne aux choses un aspect systématiquement absurde et lunaire. Un camp scout aux vrais airs de camp militaire, une initiation amoureuse cérébrale et crue à la fois, une opération de sauvetage en forme de chasse à l'homme... Par son sens de l'observation et son souci du détail, le cinéaste imprime à tout ce qu'il filme une dérision saine et hilarante.
Sa mise en scène, précise et fine, est pour beaucoup dans la construction de cet univers doux-amer qui ne ressemble à aucun autre. Dans la séquence d'ouverture, Anderson use et abuse du travelling et du dezoom pour présenter les différents protagonistes de la famille Bishop. Comme dans une maison de poupées, on passe d'une pièce et d'un personnage à l'autre, découvrant trois petits enfants écoutant un disque, une adolescente observant le monde à travers ses jumelles, et des parents visiblement largués. Sans un mot de dialogue, le réalisateur fait comprendre au spectateur tout ce qu'il y a à savoir sur ces personnages. De cette manière, il pose en quelques scènes le décor du film, et n'a plus qu'à dérouler le fil (particulièrement rythmé) du récit.
Cette virtuosité de la réalisation s'accompagne d'un choix musical éclairé, qui exprime l'atmosphère de chaque scène (militaire, romantique...) et vient renforcer la force d'évocation des images. Y compris dans le final diluvien, où la catastrophe est filmée comme un collage de cartes postales... On est dans le monde désordonné de l'enfance, où tout est perçu comme à travers une loupe grossissante (ou des jumelles) et de manière exacerbée. Mais les deux jeunes héros, quoique définis comme "psychologiquement instables", semblent en réalité plus matures que les adultes, et même presque trop sérieux pour leur âge. Du contraste entre leurs aspirations (se marier, vivre ensemble) et celles des adultes (qui jouent à être des enfants, à l'image du chef scout en culottes courtes) naît une partie de la fantaisie et de la réussite du film. Les enfants semblent ainsi les seuls vrais êtres responsables de l'histoire, prêts à se battre pour ce en quoi ils croient, quitte à braver dangers et interdits. Preuve que même derrière une façade aussi déjantée que celle de Moonrise Kingdom peut se dissimuler un très sérieux ode à l'amour et à la liberté, en forme qui plus est de formidable feel good movie communicatif.
MpM
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