|
Choix du public :
Nombre de votes : 19
|
|
|
|
Pour lui (Halt auf freier Strecke)
Certain Regard
Allemagne / sortie le 04.04.2012
LE TEMPS QUI RESTE
"J'aimerais qu'il s'endorme pour de bon. C'est une torture pour nous tous."
Après s'être intéressé à la sexualité des seniors dans Cloud 9, Andreas Dresen s'attaque à un autre tabou, celui de la maladie et de la mort. A l'opposé de toute vision romantique, il filme les derniers mois de son personnage (Franck) avec un réalisme qui confine parfois à la crudité. On suit ainsi la longue déchéance physique du malade ainsi que le ras-le-bol croissant de son entourage, usé et impuissant. Quand il s'agit de filmer une agonie, la frontière entre naturalisme et voyeurisme devient terriblement floue. L'incontinence, la douleur, la détérioration du corps sont difficiles à regarder en face, et parfois on préférerait que le cinéaste s'abstienne de les montrer.
Pourtant, ce serait dévoyer la réalité de la mort. Aussi pardonne-t-on au cinéaste les séquences les plus brutales du film. Certaines sont trop appuyées ou répétitives, mais aucune n'est complaisante. Et puis il fallait une bonne dose de courage pour aller aussi loin dans ce qu'il représente : les enfants de Franck en veulent à leur père d'être malade, sa femme a hâte de le voir mourir, lui-même connait de terribles accès de violence... Pour le spectateur, c'est éprouvant et parfois presque insupportable, parce que cela le renvoie à ses propres sensations. Même la sensation de pesanteur et de longueur qui émane du film place le spectateur dans la même situation que les personnages. Comme eux, on a hâte que cela s'arrête.
Heureusement, grâce à sa mise en scène très découpée et son utilisation judicieuse des ellipses, Andreas Dresen parvient à éviter le pur mélodrame pour tirer le film vers un certain apaisement. Il y a des passages joyeux en famille, de belles idées liées au journal intime que Franck tient avec son Iphone et même pas mal d'humour, parfois noir. Un peu à l'image de l'écrivain atteint d'un cancer dans Le bruit des glaçons de Bertrand Blier, Franck personnifie sa tumeur en la personne d'un petit homme teigneux. Il le voit dans une émission télévisée, l'entend s'exprimer à la radio, et finit même par lui faire une place dans son lit. Dans un sens, le film lui-même est une métaphore de la vie : inégale, et pleine de toutes les émotions du monde. C'est également ainsi qu'Andreas Dresen imagine la mort, drame intime que chacun finit par accepter, apprivoiser et embrasser.
MpM
|
|
|