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Chantrapas
Sélection officielle - Séances spéciales
Géorgie / sortie le 22.09.2010
LA VIE D'ARTISTE
« Regarde, c'est l'ancien temps. »
Chantrapas est une véritable mise en abyme, un miroir tendu au personnage principal, Nicolas (formidablement interprété par Dato Tarilashvili) et au cinéaste lui-même, Otar Iosseliani (qui fait d’ailleurs une courte apparition). Le découpage du film en deux parties, une qui se passe en Géorgie, l'autre à Paris, permet ce procédé. Chantrapas traite en effet du sujet de l'artiste incompris par une partie de sa famille, et jugé dangereux par le pouvoir de son pays. Or, Nicolas, lui, ne demande rien d'autre que l'entière liberté d'exercer son art. Comme on s'ingénie à vouloir le réduire au silence, il va fuir vers une terre plus clémente et teintée de démocratie: la France. Mais attention : la trêve artistique sera de courte durée.
Le film montre donc le combat d'un artiste pour la liberté et contre le pouvoir, hautement masculin, qui l'entoure. On pense immédiatement au cinéaste, Otar Iosseliani, qui a fui la censure de son pays d'origine dans les années 80 pour venir exercer en France. Nicolas est un homme intègre, qui a l'air un peu perdu dans ses pensées, mais qui fait preuve d'une grande force lorsqu'il s'agit de défendre son projet. En Géorgie, il est très surveillé, car son talent, son film et ses propos font peur. Les scènes avec les dignitaires de son pays, filmés sur le ton de l'absurde, renvoient deux caricatures dos à dos : l'artiste imbu de sa personne face aux hommes politiques, qui dirigent le monde en fumant des cigares et ne quittant jamais la bouteille de vodka.
Pour mieux opposer les deux pays, le film joue aussi sur un anachronisme temporel assez délicieux. En effet, la Géorgie semble être restée dans un temps reculé, où les objets et vêtements font plus penser aux années 50 qu'à nos jours, tandis que les scènes tournées en France sont contemporaines. Pour autant, cette dernière n'est pas non plus épargnée, avec cette image des producteurs vautours qui s'inventent monteurs de film. Entre paternalisme, amateurisme et autorité, Nicolas doit beaucoup se battre pour mener à bien son projet… Ce qui rappellera probablement des souvenirs à pas mal de réalisateurs.
Toutefois, l’excès d’absurdité rend parfois Chantrapas un peu gauche, et le choix pour un certain amateurisme (surtout dans les scènes du début) alourdit le trait. De plus, la réaffirmation du caractère maudit de l’artiste dans deux pays différents semble allonger le film inutilement. On y trouve malgré tout son compte, ne serait-ce que pour le regard bienveillant et goguenard porté sur les enfants et les vieillards (qui s'assènent des coups de boule en pleine rue !), la critique du pouvoir, le désir de liberté, l'absurde, et un goût très prononcé du cinéaste pour la lenteur. En bref, une poésie lunaire qui sort de l’ordinaire.
Sarah
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