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Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures (Uncle Boonmee who can recall his past lives - Lung Boonmee Raluek Chat)

Sélection officielle - Compétition
/ sortie le 01.09.2010


OH ! FANTASMA





- Cette grotte est comme un utérus, n’est ce pas ? C’est ici que je suis n�.

Lorsqu’on évoque un film d’Apichatpong Weerasethakul (AW, ce sera plus simple), il faut s’attendre � une œuvre étrange. Et Oncle Boonmee l’est assurément. Mais ce conte fantastique, poétique, romantique et mystique n’a rien d’hermétique, pour une fois. Ses audaces le singularisent, mais sa limpidit� le rend accessible. Il faut même se laisser envoûter par les dernières scènes, qui contrastent avec le reste du film, pour accepter la part de mystère et de questionnement. Oncle Boonmee traitant des vies antérieures et de résurrection, il ne pouvait se conclure sur une vérit�, une certitude ou des explications.

AW a su nous séduire avec cette histoire de fantômes. La mort n’a rien de triste. Le réalisateur s’amuse, et nous tire quelques sourires, avec des séquences oniriques et fantasmagoriques. Quand ce vieil oncle malade se croit punit pour avoir tuer des communistes et des insectes, par exemple. Est-ce l’acte ou la sincérit� de l’intention qui influe sur le Karma ? Ou ce poisson chat qui va butiner l’entrecuisse d’une Princesse narcissique regrettant la beaut� de sa jeunesse. Scène culte qui aurait pu être grotesque et qui s’avère magnifique. Ou encore ces clichés photographiques tournés en dérision o� de jeunes hommes, militaires, se laissent prendre en photo avec un homme singe, tour � tour trophée de chasse et complice sympathique.

On est surpris par l’inventivit� du scénario, glissant des personnages venus d’ailleurs, des présences surnaturelles, et par sa simplicit�. Nous voici même fascinés par la beaut� visuelle de certains plans, rappelant le Douanier Rousseau et sa peinture naïve : � commencer par ce prologue entre chien et loup, entre jungle et prairie, o� une vache se libère de ses attaches, court pour échapper � sa condition d’animal-esclave. Les animaux ont une importance essentielle dans le propos. Moustiques électrifiés, abeilles corvéables, chien ami et surtout les singes� cette armée d’Hommes Singes, aux silhouettes inquiétantes, aux yeux rouges perçant dans la nuit, aux couleurs d’un gorilles et aux allures d’un homme.

C’est ainsi que revient le fils disparu. En homme-singe. � Je n’aurai pas voulu vivre ainsi si je ne m’étais pas uni avec un homme-singe. � L� aussi, cela aurait pu être ridicule, mais le cinéaste l’humanise avec son récit. Car le réalisateur est avant tout un conteur. Les histoires simples de chacun se mêlent aux angoisses contemporaines de ses prochains. Le racisme envers les Laotiens, l’obsession de l’argent, la quête spirituelle dans un monde individualiste, la paix intérieure � trouver� On se rassure en allant prier pour les défunts et les fantômes confortent les croyants en affirmant que les offrandes sont bien reçues. En faisant dialoguer les vivants avec les morts, en mélangeant le pass� et le présent, il s’amuse � tisser un dialogue qui révèle davantage les âmes que que les ambitions.

Le réalisateur n’a pas évoluer sur la forme mais sur le fond. Son film est plus léger et plus réaliste. Il conserve son style, et ses obsessions. Au bout d’une heure et quart, il enfonce sa troupe dans une jungle. Jusqu’à la grotte originelle, source de vie l� o� les poissons chats naissent avant d’aller engrosser des Princesses, o� va pouvoir mourir l’un de ses descendants, l’Oncle Boonmee. Chargée de symboles, la séquence annonce aussi une rupture de ton, avec un épilogue color� et musical, libre d’interprétation, rempli du kitsch thaïlandais qui démarque ce cinéma de celui des pays voisins. Il y apporte une sensualit�, moins palpable que dans ses précédents films, mais n’hésitant pas � déshabiller les jeunes hommes. Et un talent certain � construire des scènes longues et minutieuses (comme les gestes y sont précis), avec une caméra immobile et une lumière très douce.

Oncle Boonmee, entre naturalisme et surnaturel, est, de loin, son œuvre la plus maîtrisée et la plus séduisante.

vincy



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