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Un homme qui crie
Sélection officielle - Compétition
Tchad / sortie le 29.09.2010
EN EAUX TROUBLES
"- Tu prends tous les jours des photos !
- C'est juste pour raconter ma vie."
Un homme qui crie est une plongée en apnée d'un homme qui enchaîne les erreurs jusqu'à la tragédie fatale. Un homme qui n'accepte pas de vieillir. Un homme qui trahit les siens, et lui-même. Un homme maudit. Ce vieux lion ne comprend rien à ce monde qui change, car il ne veut pas changer lui-même. Ce conte africain glisse lentement d'une béatitude et d'une sensualité coupée du monde à l'enfer que traverse le pays.
Ici le Tchad, mais ça aurait pu être la Côte d'Ivoire, le Nigeria, la République Démocratique du Congo ou le Rwanda. Cette universalité africaine renforce la dimension politique du propos. Guerres, privatisations, pauvreté : les menaces ont beau faire de l'ombre au bonheur artificiel de cet ancien champion de natation reconverti en maître nageur d'un hôtel étatique de luxe, il est persuadé que rien ne peut lui arriver.
Mahamat-Saleh Haroun montre que le citoyen ne peut pas rester indifférent au destin de son continent. Le spectateur doit devenir acteur, qu'il s'exile ou qu'il combatte. Un Homme qui ne crie pas est donc piégé. Il s'enferme dans un passé glorieux et son confort égoïste. En sacrifiant son fils sur l'autel de la patrie (et pour son propre opportunisme), il scelle son destin, et va perdre la foi. Le bonheur fuit alors vers un récit de panique, où estropiés, mutilés, gueules cassées illustrent une Afrique ravagée par ses conflits.
Toujours à contre-temps des événements, des choix à faire, son intégrité se mue en désespérance.
Le cinéaste découpe son histoire avec une multitude de petites séquences. Rien de superflu. Les détails valent plus que les grands discours, et ici rien n'est trop souligné. Les ellipses renforcent l'histoire, qu'elles fassent des liaisons temporelles ou qu'elles soient des transitions en mouvement. Cette mise en scène respectueuse et épurée se disperse cependant dans trop de directions à certains moments (engagement patriotique, interrogations sur la foi, dilemmes familiaux, impuissances des populations, douleurs intimes).
Mais l'Afrique est ici montrée sans clichés, avec sincérité, loin d'un point de vue occidental (Hotel Rwanda par exemple). La paix semble impossible pour l'Homme comme pour la Nation. Ce point de vue, difficile à attaquer, laisse peu de place à un un avenir radieux. Incapable de protéger les siens, sacrifiant tour à tour toutes ses valeurs, le champion devient perdant. Et sa civilisation l'accompagne dans cette noyade suicidaire.
vincy
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