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Precious (Precious: Based on the Novel Push by Sapphire)
Certain Regard
USA / sortie le 03.03.2010
LA BELLE ET LES BETES
"Un jour, je m’en sortirai. Ou quelqu’un m’en sortira."
Le scénario de Precious a de quoi glacer le sang : double inceste, violences physiques, cruauté mentale, maltraitance, sida… il y a là tous les éléments pour une surenchère dans l’horreur la plus absolue. Et pourtant, le film s’avère miraculeusement l’anti-mélodrame par excellence, Lee Daniels refusant de s’appesantir sur les souffrances de son héroïne. Il préfère en effet lui donner la parole et lui permettre de s’extraire du statut de victime dans lequel on aurait eu vite fait de l’enfermer...
Or, Precious (admirablement incarnée par la quasi débutante Gabourey "Gabby" Sidibe) ne se voit pas comme une victime. Lorsque dans la voix-off, elle nous livre ses pensées, ce n’est jamais pour se plaindre ou s’apitoyer sur son sort. Au contraire, elle a comme tout le monde des rêves et des désirs secrets, et surtout la volonté inexpugnable d’aller de l’avant. C’est sans doute cette énergie et cette force qui donnent au film sa tonalité positive. Precious a beau être confrontée aux pires horreurs (et parfois, cela semble aller trop loin), l’humour prévaut. Et quand il ne suffit plus, reste l’évasion dans l’imaginaire. Les fantasmes de danse sexy qui remplacent à l’écran les scènes de viol ou de maltraitance font ainsi l’office salutaire d’une soupape de sécurité. A la fois pour le spectateur, qui n’a pas besoin d’un dessin pour comprendre ce qui se passe en réalité, et pour le personnage, qui n’a trouvé que cette parade-là pour échapper à ses bourreaux.
En contrepoint, le film brosse un portrait peu flatteur du monde de l’aide sociale dans les Etats-Unis des années 80. L’assistante sociale (interprétée avec tact par une Mariah Carrey méconnaissable) n’est pas dénuée de mauvaise volonté, mais elle est tout simplement impuissante. Qui ne le serait pas face au torrent de difficultés rencontrés par Precious ? A contrario, la mère (rôle qui a valu à Mo’nique un Golden Globe et une nomination aux Oscars) est l’archétype de l’assurée qui ne pense qu’à profiter du système. Ce personnage est si entièrement mauvais, si haineux et méprisable, qu’il frôle dangereusement la caricature. Dommage, car forcer le trait n’apporte rien à l’histoire, sinon un semblant de sensationnalisme.
Pour contrebalancer, le professeur qui prend la jeune fille sous son aile est elle au contraire entièrement positive. Comme la bonne fée dans les contes, elle sauve l’héroïne du monstre, et lui donne la possibilité de trouver son prince charmant et son château merveilleux. Car oui, il y a finalement beaucoup du conte de fées dans ce film qui affirme le pouvoir de l’éducation comme moyen de s’en sortir. En guise de magie moderne ? On retrouve en tout cas les fondements des récits de nos enfances : tabous de l’inceste, mythe de la marâtre, fantasme d’une intervention magique (ou divine) pour effacer toutes les difficultés d’un coup de baguette… Precious, dans le fond, est un mélange de Peau d’âne et de Cendrillon, une histoire universelle qui prend aux tripes, fait peur aux petits enfants mais les rassure toujours à la fin (à tort ou à raison ?)… humaine jusque dans ses faiblesses.
MpM
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