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J'ai tué ma mère

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
Canada / sortie le 15.07.2009


UN GARçON (PAS) COMME LES AUTRES





Il y a évidemment le défaut d’un premier film : vouloir tout montrer, tout dire. Surtout quand ce premier film est écrit, produit, réalisé, interprété par un jeune homme de 20 ans, doué, le sachant, l’assumant. Derrière cette éventuelle vanité, il y a surtout une sensibilité, palpable de bout en bout de son film, et puis une réalité, celle d’avoir eu le courage, les moyens, la possibilité de faire ce film, aux tonalités mélangées.
J’ai tué ma mère est une chronique intime où un fils tente de comprendre l’infime frontière entre l’amour et la haine qu’il éprouve pour sa mère. « Je pourrai être le fils de n’importe qui mais pas d’elle». Elle, pas capable d’avoir un fils. Lui pas capable d’aimer sa mère. Une série de scènes aux ralentis cruelles, de confessions intimes en caméra subjective, d’images fixes insérées (références artistiques), de séquences où la dispute l’emporte toujours sur l’écoute. Si ce couple ne se supporte plus, lui, contrairement à des époux, ne peut pas divrocer. Insérparables jusqu’à la majorité de ce fils « qui pète plus haut que son cul, qui doit épater la galerie avec son vocabulaire».

Car ce fils a de la culture. Et Xavier Dolan l’étale à coup de clins d’œil, des posters de James Dean au Cri de Munch, de Rimbaud l’incontournable à Cocteau en citation, avec en plus des plans qui font écho à In the mood for love. Ou même de Jackson Pollock avec cet hommage sexe et rock n’ roll à sa peinture. Il est beau, râleur, enragé même, intelligent, fin, torturé. Il déteste son environnement. Cette mère qui ne sait pas manger proprement, qui a des goûts de chiottes en déco, jusqu’à ces verres à vin qui ont une marguerite gravée dessus.
Alors se créé un magnifique couple de cinéma. Un de ces couples tragiques où l’on se demande jusqu’où l’autre peut aller dans ce chantage permanent, cette mauvaise foi érigée comme Loi, ces manipulations mesquines, ce désir de meurtre ou en tout cas de disparition. La colère s’exprime librement, entre insultes et allégories. Drôle de détestation.
Cette femme, téléspectatrice grignoteuse, célibataire lunatique, s’est enfermée dans un schéma qui l’emprisonne, et son fils étouffe, préférant la famille de son petit ami. L’absence d’un père plutôt autoritaire ne contribue pas à son épanouissement. Il aspire à un idéal, un absolu, une liberté. Il porte en lui la noirceur de l’adolescence, son existentialisme maladroit, suicidaire ou poétique, diablemet romantique, douceureusement pervers.

Et tout ça ne manque pas de style, ni d’émotion. Les jeux d’enfants et les souvenirs furtifs d’un temps perdu ont laissé la place à une forme de malaise permanent, qui met chacun sur un fil où l’équilibre est fragile. Dolan, quand il perd pieds, se rattrape avec joliesse en se moquant de ses congénères : directeur d’un établissement moralisateur, femmes accros au centre de bronzage, … Dans ce même centre, la mère apprend de manière décalée et amusante l’homosexualité de son fils. On se fait dorer la peau dans un pays froid et on ne voit pas qui est sa propre progéniture. Monde d’artifices.

Par conséquent, quand le film s’échappe vers un lieu plus apaisant, naturel, ce monde s’écroule, et les tensions s’estompent, ouvrant les cœurs prêts à verser des larmes. Car on la hait jusqu’à un certain point cette mère. Le scénariste n’oublie pas aussi de lui pardonner, de lui donner les nuances nécessaires, les mots qu’il faut pour ne pas en faire un monstre binaire. Elle est juste incapable de s’adapter, de se remettre en question, de le comprendre. Ici et ailleurs, dans sa vie mais sans prise avec le réel : cela donne un rôle extraordinaire pour une actrice (Anne Dorval, parfaite), qui l’interprète avec justesse. Jusqu’à ce monologue jouissif où elle explose, furieuse, à l’encontre d’un macho incompétent. Ce monologue achève la partie où le fils est exilé dans un pensionnat (Notre-Dame des douleurs, tout un nom), moins écrite, moins dense. Si elle paraît moins intéressante c’est aussi parce que le couple se suffit à lui-même et que ce qui est satellitaires est finalement parasitaire. On préfère la guerre des démons intérieurs, avec l’espoir d’une paix. On rêve d’un acte sublime où le fils et la mère seraient obligés de se réconcilier. Il faut un décor de conte de fée, un Royaume, pour que le Prince ne se transforme pas en Hamlet face à cette Gertrude qui mourrait du décès de son fils.

vincy



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