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Nombre de votes : 24
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Agora
Sélection officielle - Hors compétition
Espagne / sortie le 06.01.2010
L’ORIGINE DU MAL
"Nous avons plus d’affinités que de différences"
Bien que résolument moderne, Agora assume son statut de fresque historique mâtinée de péplum et ne peut s’empêcher de sacrifier � un certain lyrisme. Celui-ci se manifeste aussi bien dans une bande-son parfois pompeuse que dans une mise en scène imposante, alliant le souffle épique de la reconstitution � la tentation du spectaculaire � tout prix. On ne coupe pas non plus � une dérive romantique du scénario qui met l’accent sur un triangle amoureux forcément impossible. Qu’importe, l’histoire est suffisamment complexe et passionnante pour faire oublier ces inévitables concessions au genre et nous entraîner en Egypte ancienne sur plus de deux heures sans aucune baisse de rythme.
Cela tient bien sûr au fait que les thèmes abordés par le film, étonnamment contemporains, ont des résonances fortes dans une sociét� plus que jamais tiraillée par les tensions religieuses. L’Alexandrie de la fin de l’Antiquit�, cosmopolite et métissée, évoque immanquablement la diversit� culturelle de notre propre époque. Lorsque le film commence, les différentes ethnies vivent en bonne intelligence et se mêlent dans la Grande Bibliothèque o� leurs représentants fréquentent les mêmes cours. Le conflit vient, comme toujours, de quelques fanatiques qui pensent avoir plus raison que les autres et ne supportent pas que l’on puisse avoir d’autres croyances que les leurs. C’est l� la dérive propre � tous les fondamentalismes : transformer une conviction intime en vérit� dogmatique. Curieusement, les extrémistes de tous poils ne voient jamais ce qu’il y a de paradoxal � imposer leur foi par la force�
Alejandro Amenabar construit donc son film comme une étude détaillée de la montée de l’intolérance et de la manière dont elle a accélér� l’anéantissement de la sociét� alexandrine. Il rappelle au travers du personnage d’Hypatie, astronome et philosophe chevronnée, que l’obscurantisme est la meilleure arme pour freiner le progrès et garder l’être humain sous la coupe de l’ignorance. Son héroïne, en plus d'être une femme libre dans un monde presqu'exclusivement masculin, incarne le doute et le tâtonnement scientifique face aux dogmes établis, l’éternel combat entre science et religion. Sa tentative d’expliquer le mouvement des planètes, qui court tout au long du film, symbolise les siècles de lutte qui suivront, opposant les chercheurs � une Eglise de plus en plus engoncée dans ses principes. C’est aussi une pierre dans le jardin du créationnisme, cette théorie qui nie l’évolution darwiniste et représente le plus grand recul dans toute l’histoire de la chrétient�.
Toutefois, l� o� le cinéaste s’avère intelligent, c’est que le parallèle qu’il dresse ne touche aucune religion en particulier mais s’adresse � tous les fidèles tentés par les dérives du dogmatisme. Il montre les massacres et les autodafés, la fureur et l’aveuglement. Il témoigne de cette rage qui ne peut être assouvie que par la destruction totale de l’autre, par la traque incessante de tout ce qui est différent, de tout ce qui pense autrement ou cherche d’autres réponses. On voit l’univers se rétrécir sous nos yeux pour ne plus se résumer qu’à la ligne mince de ce qui est autoris� et au gouffre immense du reste, forcément passible de la peine de mort. Au-del� de l’une ou l’autre dérive religieuse, ce sont tous les courants autoritaires et dogmatiques qui en prennent un coup. Agora laisse ainsi entrevoir que le combat qui s’est perdu � Alexandrie � cette époque-l� a ouvert la porte � tous les maux de notre temps : en triomphant de la sagesse scientifique et de la bonne entente entre les peuples, l’obscurantisme a créé des rancœurs et des doctrines contre lesquels nous nous battons toujours aujourd’hui.
MpM
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