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Tu n'aimeras point (Tu ne m aimeras point - Eyes Wide Open - Eynaim pekukhot)
Certain Regard
Israel
LE CODE N' A PAS CHANGE
«- Celui qui a pèché doit se sacrifier.»
Subrepticement, Tu ne m’aimeras point nous désarme. Sans aucun pathos ni aucun effet appuyant sur la souffrance pour provoquer une émotion extrême, ce premier film Haim Tabakman nous charme. Mais pas seulement.
L’intelligence du scénario qui ouvre les portes à une dialectique entre religion et désir, la beauté des deux hommes qui vont franchir les murs qui les séparent, et le regard documentaire sur une communauté très fermée (les juifs ultra-orthodoxes) rendent l’oeuvre singulière pour ne pas dire unique. La musique oscille entre diverses ambiances, du mystère au drame, du conte à l’incertitude. Exactement à l’image du film.
Irrésistible mais difficile d’approche, ce film qui veut briser les tabous montre une facette de Jérusalem assez rare au cinéma : une ville où il pleut, des ruelles médiévales, des commerces sans fioritures. Un quartier populaire dévoué à la religion où l’on dénonce à coup de tracts, où être pieux est un minimum pour être respecté.
Un homme dévoué à sa religion, sa famille et sa communauté est ainsi confronté à un désir sacrilège, la tentation charnelle vis-à-vis d’un jeune homme. Cela oblige ses dogmes à réagir de manière rigoureuse à ce vice, à vouloir étouffer le sentiment amoureux, à tuer la passion. Cette réaction est graduée, au départ anonyme puis très menaçante. L’empathie que l’on éprouve pour les deux personnages contraste avec l’aversion pour les actes ou les paroles des opposants et moralistes. La religion et l’amour n’ont plus rien en commun, malgré les préceptes évoqués dans les Livres. Le dogme devient alors inhumain.
Mais Haim Tabkman dépasse son histoire d’amour en démontrant tous les effets pervers du communautarisme, de l’enfermement entre-soi. Ce jeune étudiant, « le malin », est bien plus qu’une incartade sensuelle. Il lui ouvre les yeux (d’où le titre anglais). Le sort de Jérusalem pour un bain rituel très ambiguë et très innocent. La communion virile entre les deux hommes passe par ce rituel purificateur. En fait, il permet à notre père de famille, déprimé par la récente mort de son père, sans doute par ce destin fataliste dont il ne peut se sortir, de vivre, au sens vibrant du terme. Car il n’est pas heureux, il est comme éteint. Il ne sourit pas (les bouchers ne sourient jamais), il ne mange pas beaucoup de viande (un comble pour un boucher)… Et puis par petits gestes, une main sur l’épaule de l’autre, l’intérêt pour les dessins de son apprenti, la relation va glisser vers une sensibilité, plus affective que sensuelle. Les deux comédiens se complètent parfaitement : l’un exposant sa souffrance intime, l’autre exhibant sa séduction animale. Sa flamme dans les yeux peut réveiller un mort. « Pourquoi Dieu a créé le désir ? Pour la purification de l’homme. » Leur baiser le plus chaud aura donc lieu dans une chambre froide, dans ce quartier où tout doit être régit selon des règles strictes. Et quand le mal s’introduit dans les maisons, il y a toujours les jeunes capables de tabasser par ignorance ou les anciens raisonnant avec véhémence le coupable.
Car l’amour et la liberté ne sont pas les bienvenus. Il y a peu de possibilités d’évasion à cette prison. Les impasses sont nombreuses, poussant certains à l’hypocrisie. La sagesse des Rabbins n’y fait rien. L’ambivalence des sentiments piègerait n’importe qui, à moins de casser les codes, de sortir de son monde, de fuir. Et même la compréhension bienveillante de l’épouse n’y suffit pas. La finesse psychologique des personnages conduit logiquement nos amoureux à leur issue respective. L’un ira sans doute s’exiler dans un monde meilleur tandis que l’autre cherchera sa voie purificatrice, impuissant à se sortir de ses schémas.
Le drame est alors installé, et avec lui, le spectateur se sent révolté. Ce qu’on n’aime point, finalement, ce sont ces Lois qui soumettent l’individu à un ordre établi, plutôt qu’à l’encourager à donner et recevoir cet amour si nécessaire pour être heureux.
vincy
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