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Dernier maquis
Quinzaine des réalisateurs - Compétition
France / sortie le 22.10.2008
PALETTE DE DOULEURS
"Dis-leur que la Mosquée, c’est obligatoire. Sinon je fais sauter les primes."
Imaginez des palettes. Des centaines de palettes d’un rouge écarlate empilées perte de vue dans un paysage désol de friche industrielle. Selon la manière dont on regarde, elles forment des immeubles, des remparts ou des murs mouvants, variant en permanence en fonction du réagencement des piles. Au milieu de cet univers de palettes aux teintes vives s’agitent des hommes. D’abord, on les observe de loin. Comme des fourmis qui vaquent des tâches auxquelles on ne comprend rien. Et puis on se rapproche et on les découvre en tant qu’individus. Des liens s’établissent, des relations, et immanquablement des rapports de force. Une intrigue se tisse, si ténue que l’on retient sa respiration. Tous ces hommes sont issus de l’émigration, peu importe quand, peu importe comment, et travaillent côte côte sur ce chantier pour un salaire que l’on devine dérisoire. Ils ne ménagent pas leur peine, allant et venant dans les larges allées, portant, poussant, peignant. Une poignée d’hommes ayant travers des océans pour échouer au milieu de nulle part, s’occuper toute la journée d’un tout petit maillon de la chaîne de production mondiale. A prendre part cette chaîne. A en devenir eux-mêmes un maillon, aussi modeste que la palette, aussi invisible et aussi essentiel. Le prolétariat moderne, en somme.
Un film aride
Et Rabah Ameur-Zameche de poser son regard singulier de cinéaste-observateur sur ce microcosme ténu, et de faire ce qu’il sait le mieux : donner voir. Mais il se garde bien de donner penser. Ou plutôt : il fournit la matière réflexion, qui ne manque pas, et laisse le spectateur se débrouiller. Jamais il ne lui facilite la tâche, ce n’est pas son style. Comme pour Wesh, wesh, comme pour Bled number one, il livre un film aride, complexe appréhender, difficile apprécier. Parce que l’on n’est pas habitu cette parcimonie de narration, ce manque d’action, ce refus du compromis dramatique. Il faut faire un effort pour goûter sa juste valeur un épisode mi-burlesque, mi-terrible d’auto-circoncision, ou la parenthèse poétique d’une promenade en barque en compagnie d’un ragondin. Ces petites choses, pourtant, sont comme les palettes du chantier : des éléments de structure qui vont et qui viennent pour dessiner un paysage en perpétuelle évolution, et donc insaisissable, mais d’une richesse infinie.
La religion comme dernier rempart
Au cœur de cette vie ouvrière, en plus du travail ou de la camaraderie, il y a la religion. L’Islam, en l’occurrence. Rabah Ameur-Zameche l’explique, et on le conçoit très bien, pour ces hommes qui ont tout quitt en venant en France, la religion est souvent le dernier rempart. Le dernier lien. C’est sans doute pourquoi elle semble au premier abord envahissante. Ce sont des hommes qui harcèlent un nouveau converti pour savoir s’il s’est enfin circoncis, des paroles o revient sans cesse la question de savoir qui est un "bon" ou un "vrai" musulman, par opposition d’autres qui seraient "mauvais" ou "faux", des conversations sur le meilleur moyen d’atteindre le paradis et la construction d’une Mosquée sur le lieu de travail, sur initiative de Mao, le patron. Une initiative que l’on a du mal cerner : paternalisme, gentillesse, moyen de contrôle ? Toujours est-il qu’il va trop loin en désignant l’Imam sans consulter les fidèles. En niant leur droit dans l’ultime domaine o il leur était encore possible de l’exercer,Acheter FIFA Coins il affirme son pouvoir au-del de la sphère professionnelle et transfère le rapport de force vers la sphère religieuse, donc privée. Le film pose alors la question inédite de la place de l’Islam dans le monde du travail et des rapports qu’ils entretiennent. Elément de rapprochement ? de pacification ? de main mise ? de chantage ? Bien sûr, Dernier maquis n’apporte pas de réponse explicite. Mais vu la manière dont les choses tournent pour ses personnages, on devine que pour le réalisateur, si l’Islam a un rôle jouer dans le monde professionnel contemporain, cela doit venir de la base, et non être impos d’en haut, instrumentalis comme n’importe quelle idéologie, transform en ultime outil d’oppression ou de soumission. Qui eût cru que quelques palettes de manutention pouvaient contenir de tels enjeux ?
MpM
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