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Tyson

Certain Regard
USA


KO CHORAL





"Mon boulot, c’est de faire mal"

Il y a une certaine élégance dans la démarche de James Toback consistant à donner la parole à Mike Tyson sans jamais intervenir ouvertement. A l’écoute, et quasiment au service de son personnage, le réalisateur s’efface complètement, de l’image comme de la bande son, pour que ne subsiste au final que la voix du boxeur. Ce dernier, filmé en plan fixe lors de longs monologues entrecoupés d’images d’archives, évoque avec une apparente sincérité les hauts et les bas de son existence. La légende incontestée de la boxe a en effet connu la gloire et la déchéance, les victoires et la prison, le champagne et la drogue. Sur ce parcours chaotique, il s’avère à la fois étonnamment lucide (soulignant ses erreurs et ses manques) et particulièrement complaisant, cherchant systématiquement à se justifier ou à se trouver des excuses. Personne n’est dupe, notamment, de la manière dont il élude le viol qui lui a valu plusieurs années d’emprisonnement. L’introspection a ses limites, même (surtout ?) devant la caméra…

Heureusement, si Toback n’intervient jamais à l’écran, hors champ, muni de la meilleure arme qui soit, celle du montage, il insuffle au film un point de vue bien plus contrasté qu’il n’y paraît. En filigrane des propos de Tyson, le film met au jour ses contradictions et sa complexité : son incapacité, hors du ring, à rentrer dans le moule social quand il n’a été élevé que dans la seule perspective de la loi du plus fort, sa soif de reconnaissance et d’amour, son angoisse de l’humiliation, ses valeurs machistes et violentes… Il se détache ainsi le portrait d’un homme fragile psychologiquement, hanté par les traumatismes de l’enfance, et manquant terriblement de confiance en lui. Toutefois, pas de faux procès, le réalisateur ne cherche pas particulièrement à rendre son personnage sympathique… ou si c’est le cas, il échoue, tant on sent tout au long du film l’ambivalence équivoque du boxeur !

Incontestablement, ce Tyson-là ne révolutionnera pas l’histoire du documentaire (l’utilisation d’effets de style tels que voix en écho et split-screen montrant à l’infini la même image aurait même plutôt tendance à la faire régresser), pas plus qu’il n’a le pouvoir de réhabiliter le boxeur. Mieux vaut donc sans doute le voir comme une tentative plutôt honnête de permettre à un homme public de s’exprimer une bonne fois pour toutes sur son passé et, qui sait, tirer un trait définitif dessus.

MpM



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